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mistress branican.

sont les feux allumés par les squatters qui ont dévoré buissons et arbustes. Aussi, bien qu’il n’y ait point, à parler vrai, de routes frayées à travers ces vastes forêts, si différentes des forêts africaines où l’on marche six mois sans en trouver la fin, la circulation n’y est-elle point embarrassée. Les buggys et les chariots allaient pour ainsi dire à l’aise entre ces arbres largement espacés et sous le haut plafond de leur feuillage.

De plus, Tom Marix connaissait le pays, l’ayant maintes fois parcouru, lorsqu’il dirigeait la police provinciale d’Adélaïde. Mrs. Branican n’aurait pu se fier à un guide plus sûr, plus dévoué. Aucun chef d’escorte n’aurait joint tant de zèle à tant d’intelligence.

Mais en outre, pour le seconder, Tom Marix trouvait un auxiliaire jeune, actif, résolu, dans ce jeune novice qui s’était à tel point attaché à la personne de Dolly, et il s’émerveillait de ce qu’il sentait d’ardeur chez ce garçon de quatorze ans. Godfrey parlait de se lancer seul, en cas de besoin, au milieu des régions de l’intérieur. Si quelques traces du capitaine John étaient découvertes, il serait difficile, impossible même de le retenir dans le rang. Tout en lui, son enthousiasme lorsqu’il s’entretenait du capitaine, son assiduité à consulter les cartes de l’Australie centrale, à prendre des notes, à se renseigner dans les haltes au lieu de se livrer au repos après la longueur et la fatigue des étapes, tout dénotait dans cette âme passionnée une effervescence que rien ne pouvait tempérer. Très robuste pour son âge, endurci déjà aux rudes épreuves de la vie de marin, il devançait le plus souvent la caravane, il s’éloignait hors de vue. Restait-il à sa place, ce n’était que sur l’ordre formel de Dolly. Ni Zach Fren, ni Tom Marix, bien que Godfrey leur témoignât grande amitié, n’auraient pu obtenir ce qu’elle obtenait d’un regard. Aussi s’abandonnant à ses sentiments instinctifs en présence de cet enfant, portrait physique et moral de John, elle éprouvait pour lui une affection de mère. Si Godfrey n’était pas son fils, s’il ne l’était pas suivant les lois de la nature, il le serait par les lois de l’adoption, du moins. Godfrey ne