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mistress branican.

Précisément, Jos Meritt était en proie à une idée fixe, tourmenté par un désir qui l’obsédait, qui menaçait de le rendre complètement fou, car il l’était à demi déjà. Il s’agissait, cette fois, de retrouver un certain chapeau, qui, à l’entendre, devait être l’honneur de sa collection.

Quelle était cette merveille ? Par quel fabricant ancien ou moderne ce chapeau avait-il été confectionné ? Sur quelle tête royale, noble, bourgeoise ou roturière s’était-il posé et en quelle circonstance ? Ce secret, Jos Meritt ne l’avait jamais confié à personne. Quoiqu’il en soit, à la suite de précieuses indications, en suivant une piste avec l’ardeur d’un Chingachgook ou d’un Renard-Subtil, il avait acquis la conviction que ledit chapeau, après une longue série de vicissitudes, devait achever sa carrière sur le crâne de quelque notable d’une tribu australienne, en justifiant doublement sa carrière de « couvre-chef ». S’il réussissait à le découvrir, Jos Meritt le paierait ce que l’on voudrait, il le volerait, si on ne voulait pas le lui vendre. Ce serait le trophée de cette campagne, qui l’avait déjà entraîné au nord-est du continent. Aussi, n’ayant pas réussi dans sa première tentative, se disposait-il à braver les trop réels dangers d’une expédition en Australie centrale. Voilà pourquoi Gîn-Ghi allait de nouveau s’exposer à finir sa vie sous la dent des cannibales, et quels cannibales ?… Les plus féroces de tous ceux dont il avait jusqu’alors affronté la mâchoire. Au fond, il faut bien le reconnaître, le serviteur était si attaché à son maître, — l’attachement de deux canards mandarins — autant par intérêt que par affection, qu’il n’aurait pu se séparer de lui.

« Demain matin, nous partirons d’Adélaïde par l’express, dit Jos Meritt.

À la deuxième veille ?… répondit Gîn-Ghi.

À la deuxième veille, si vous voulez, et faites en sorte que tout soit prêt pour le départ.

— Je ferai de mon mieux, mon maître Jos, en vous faisant observer que je n’ai pas les dix mille mains de la déesse Couan-in !