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un chapeau historique.

essentiellement flegmatique. S’il menaçait Gîn-Ghi des plus épouvantables tortures en usage dans le Céleste-Empire, — où le Ministère de la justice s’appelle, de son vrai nom, le Ministère des supplices, — il ne lui aurait pas donné une chiquenaude. Lorsque ses ordres n’étaient pas exécutés, il les exécutait lui-même. Cela simplifiait la situation. Peut-être le jour n’était-il pas éloigné où il servirait son serviteur. Très probablement, ce Chinois inclinait à le penser, et, à son sens, ce ne serait qu’équitable. Toutefois, en attendant cet heureux revirement de fortune, Gîn-Ghi était contraint de suivre son maître n’importe où la vagabonde fantaisie entraînait cet original. Là-dessus, Jos Meritt ne transigeait pas. Il eût transporté sur ses épaules la malle de Gîn-Ghi plutôt que de laisser Gîn-Ghi en arrière, quand le train ou le paquebot allaient partir. Bon gré mal gré, « l’homme indolent » devait lui emboîter le pas, quitte à s’endormir en route dans la plus parfaite indolence. C’est ainsi que l’un avait accompagné l’autre pendant des milliers de milles sur l’ancien et le nouveau continent, et c’est en conséquence de ce système de locomotion continue que tous deux se trouvaient, à cette époque, dans la capitale de l’Australie méridionale.

« Bien !… Oh !… Très bien ! avait dit ce soir-là Jos Meritt. Je pense que nos dispositions sont prises ?… »

Et on ne s’explique guère pourquoi il interrogeait Gîn-Ghi à ce sujet, puisqu’il avait dû tout préparer de ses propres mains. Mais il n’y manquait jamais — pour le principe.

« Dix mille fois terminées, répondit le Chinois, qui n’avait pu se défaire des tournures phraséologiques en honneur chez les habitants du Céleste-Empire.

— Nos valises ?…

— Sont bouclées.

— Nos armes ?…

— Sont en état.

— Nos caisses de vivres ?…

— C’est vous-même, mon maître Jos, qui les avez mises en con-