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godfrey.

aux Anglais, que cette île, dépendance naturelle du continent, ait gagné à la domination de la race anglo-saxonne, rien de moins contestable. Depuis 1642, date de la découverte de cette île, longue de deux cent quatre-vingts kilomètres, où le sol est d’une extrême fertilité, dont les forêts sont enrichies d’essences superbes, il est certain que la colonisation a marché à grands pas. À partir du commencement de ce siècle, les Anglais ont administré comme ils administrent, opiniâtrement, sans prendre nul souci des races indigènes ; ils ont divisé l’île en districts, ils ont fondé des villes importantes, la capitale Hobbart-Town, Georges-Town et nombre d’autres ; ils ont utilisé les dentelures multiples de la côte pour créer des ports, où leurs navires accostent par centaines. Tout cela est bien. Mais, de la population noire, qui occupait à l’origine cette contrée, que reste-t-il ? Sans doute, ces pauvres gens n’étaient rien moins que civilisés ; on voyait même en eux les plus abrupts échantillons de la race humaine ; on les mettait au-dessous des nègres d’Afrique, au-dessous des Fueggiens de la Terre de Feu. Si l’anéantissement d’une race est le dernier mot du progrès colonial, les Anglais peuvent se vanter d’avoir mené leur œuvre à bon terme. Mais, à la prochaine Exposition universelle d’Hobbart-Town, qu’ils se hâtent s’ils veulent exhiber quelques Tasmaniens… Il n’en restera plus un seul à la fin du xixe siècle !





II

godfrey


Le Brisbane traversa le détroit de Bass pendant la soirée. Sous cette latitude de l’hémisphère austral, le jour ne se prolonge guère au