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le franklin.

Et, en effet, la brigantine et le foc imprimaient un peu de roulis au navire, tandis que les matelots chantaient :

En voilà une
La jolie une !
Une s’en va, ça ira,
Deux revient, ça va bien !
En voici deux,
La jolie deux !
Deux s’en va, ça ira,
Trois revient, ça va bien…


Et ainsi de suite.

Pendant ce temps, le capitaine John avait conduit sa femme à la coupée, et, au moment où elle allait mettre le pied sur l’échelle, se sentant aussi incapable de lui parler qu’elle était elle-même de lui répondre, il ne put que la presser étroitement dans ses bras.

Et, alors, le bébé, que Dolly venait de reprendre à sa nourrice, tendit ses bras vers son père, agita ses petites mains en souriant, et ce mot s’échappa de ses lèvres :

« Pa… pa !… Pa… pa !…

— Mon John, s’écria Dolly, tu auras donc entendu son premier mot avant de te séparer de lui ! »

Si énergique que fût le jeune capitaine, il ne put retenir une larme que ses yeux laissèrent couler sur la joue du petit Wat.

« Dolly !… murmura-t-il, adieu !… adieu !… »

Puis :

« Dérapez ! » cria-t-il d’une voix forte pour mettre fin à cette pénible scène.

Un instant après, le canot débordait et se dirigeait vers le quai, où ses passagers débarquèrent aussitôt.

Le capitaine John était tout entier aux mouvements de l’appareillage. L’ancre commençait à remonter vers l’écubier. Le Franklin, dégagé de sa dernière entrave, recevait déjà la brise dans ses voiles dont les plis battaient violemment. Le grand foc venait