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mistress branican.

plus, roulé dans le creux des lames, assailli par le travers, il se serait trouvé en perdition.

L’équipage témoigna d’autant de sang-froid que de courage en ces circonstances critiques. Il seconda vaillamment son commandant et ses officiers. Il fut digne du capitaine qui l’avait choisi parmi l’élite des marins de San-Diégo. Le navire fut sauvé par l’habileté et la précision de ses manœuvres.

Après quinze terribles heures de tourmente, la mer s’apaisa ; on peut même dire qu’elle tomba presque subitement aux approches de la grande île de Bornéo, et, dans la matinée du 2 mars, le Dolly-Hope eut connaissance des îles Maratoubas.

Ces îles, qui, géographiquement, dépendent de Bornéo, devinrent l’objet des plus minutieuses explorations pendant la première quinzaine de mars. Grâce aux présents qui ne furent point ménagés, les chefs de peuplades se prêtèrent à toutes les exigences de l’enquête. Pourtant, il fut impossible de se procurer le moindre renseignement relatif à la disparition du Franklin. Comme ces parages de la Malaisie sont trop souvent écumés par les pirates, on pouvait craindre que John Branican et son équipage eussent été massacrés jusqu’au dernier homme.

Et un jour, le capitaine Ellis, causant de ces éventualités avec son second, lui dit :

« Il est fort possible que la perte du Franklin soit due à une attaque de ce genre. Cela expliquerait pourquoi nous n’avons jusqu’ici découvert aucun indice de naufrage. Ces pirates ne se vantent pas de leurs exploits. Quand un navire disparaît, on met la catastrophe sur le compte d’un typhon, et tout est dit !

— Vous n’avez que trop raison, capitaine, fit observer le second du Dolly-Hope. Ce ne sont pas les pirates qui manquent dans ces mers et nous aurons même à redoubler de vigilance en descendant le détroit de Mahkassar.

— Sans doute, reprit le capitaine Ellis, mais nous sommes dans des conditions meilleures que celles où se trouvait John Branican