Page:Verne - Mistress Branican, Hetzel, 1891.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
mistress branican.

Andrew était bien fait. Harry Felton et ses hommes lui étaient dévoués corps et âme. La plupart avaient déjà embarqué sur quelques-uns de ses navires. C’était comme une famille d’officiers et de matelots, — famille nombreuse, affectionnée à ses chefs, qui constituait son personnel maritime et ne cessait de s’accroître avec la prospérité de la maison.

Dès lors c’était sans nulle appréhension, on peut même dire avec ardeur, que l’équipage du Franklin allait commencer cette campagne nouvelle. Pères, mères, parents étaient là pour lui dire adieu, mais comme on le dit aux gens qu’on ne doit pas tarder à revoir : « Bonjour et à bientôt, n’est-ce pas ? » Il s’agissait, en effet, d’un voyage de six mois, une simple traversée, pendant la belle saison, entre la Californie et l’Inde, un aller et retour de San-Diégo à Calcutta, et non d’une de ces expéditions de commerce ou de découvertes, qui entraînent un navire pour de longues années sur les mers les plus dangereuses des deux hémisphères. Ces marins en avaient vu bien d’autres, et leurs familles avaient assisté à de plus inquiétants départs.

Cependant les préparatifs de l’appareillage touchaient à leur fin. Le Franklin, mouillé sur une ancre au milieu du port, s’était déjà dégagé des autres bâtiments, dont le nombre atteste l’importance de la navigation à San-Diégo. De la place qu’il occupait, le trois-mâts n’aurait pas besoin de s’aider d’un « tug », d’un remorqueur, pour sortir des passes. Dès que son ancre serait à pic, il lui suffirait d’éventer ses voiles, et une jolie brise le pousserait rapidement hors de la baie, sans qu’il eût à changer ses amures. Le capitaine John Branican n’eût pu souhaiter un temps plus propice, un vent plus maniable, à la surface de cette mer, qui étincelait au large des îles Coronado, sous les rayons du soleil.

En ce moment — dix heures du matin — tout l’équipage se trouvait à bord. Aucun des matelots ne devait revenir à terre, et l’on peut dire que le voyage était commencé pour eux. Quelques canots du port, accostés à l’échelle de tribord, attendaient les per-