Page:Verne - Mirifiques aventures de Maître Antifer, 1894.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et, ce soir-là, 23 février 1862, maître Antifer s’abandonna à son emportement habituel. La poitrine pleine d’ouragan, il jura comme un gabier à qui une manœuvre courante vient de filer entre les mains, il broya le caillou qui grinçait sous ses dents, il s’en prit à sa pipe qui s’éteignit vingt fois et qu’il ralluma en usant une boite d’allumettes, il envoya son atlas dans un coin, il jeta sa chaise dans un autre, il brisa un gros coquillage qui ornait la cheminée, il frappa du pied à ébranler les poutres du plafond, et, d’une voix accoutumée à dominer le fracas des bourrasques :

« Nanon !… Énogate ! » cria-t-il, en se faisant un porte-voix d’une feuille de carton roulée en cornet.

Énogate et Nanon, occupées, l’une à tricoter, l’autre à repasser près du poêle de la cuisine, jugèrent qu’il était temps de venir mettre le holà dans ce trouble des éléments domestiques.

Une de ces bonnes vieilles maisons de Saint-Malo, construites en granit, avec façade sur la rue des Hautes-Salles, un rez-de-chaussée et deux étages comprenant deux chambres chacun, et dont le dernier, par derrière,