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un concours de l’automobile-club

Je le répète, nulle indication sur la nature du moteur de l’engin. Ce qui était certain, ce qu’on avait constaté, c’est qu’il ne laissait derrière lui aucune fumée, aucune vapeur, aucune odeur de pétrole ou autre huile minérale. De là cette conclusion, c’est qu’il s’agissait d’un appareil mû par l’électricité, et dont les accumulateurs, d’un modèle inconnu, renfermaient un fluide pour ainsi dire inépuisable.

Alors l’imagination publique, très surexcitée, voulut voir tout autre chose dans cette mystérieuse automobile : c’était le char extra-naturel d’un spectre qui la conduisait, un des chauffeurs de l’enfer, un gobelin qui venait de l’autre monde, un monstre échappé de quelque ménagerie tératologique, et, pour le résumer en un seul type, le diable en personne, Belzébuth, Astaroth, qui défiait toute intervention humaine, ayant à sa disposition l’invisible et infinie puissance satanique !

Mais Satan lui-même n’avait pas le droit de circuler avec cette rapidité sur les routes des États-Unis, sans une autorisation spéciale, sans un numéro d’ordre, sans une licence en règle, et, à coup sûr, pas une municipalité n’eût consenti à lui permettre du « deux cent cinquante » à l’heure. Donc, par raison de sécurité publique, il fallait aviser au moyen d’enrayer la fantaisie de ce chauffeur masqué.

Et même, ce ne fut pas la seule Pennsylvanie qui servit de vélodrome à ces excentricités sportives. Les rapports de police ne tardèrent pas à signaler l’appareil en d’autres États : au Kentucky, aux environs de Francfort ; dans l’Ohio, aux environs de Columbus ; dans le Tennessee, aux environs de Nashville ; dans le Missouri, aux environs de Jefferson ; enfin dans l’Illinois, sur les différentes routes qui aboutissent à Chicago.

Maintenant, l’éveil étant donné, il appartenait aux autorités municipales de prendre toutes mesures contre ce danger public. Attraper un appareil lancé à de telles vitesses, on n’y pouvait