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great-eyry

Il n’est pas rare de rencontrer aux États-Unis de telles populeuses cités de quadrupèdes. Entre autres les naturalistes citent celle de Dog-Ville, la bien nommée, qui compte plus d’un million d’habitants à quatre pattes.

Ces écureuils, qui vivent de racines, d’herbes et aussi de sauterelles, dont ils se montrent très friands, sont d’ailleurs inoffensifs, mais hurleurs à rendre sourd.

Le temps s’est maintenu beau, avec une brise un peu fraîche. En réalité, il ne faut pas croire que, sous cette latitude du trente-cinquième degré, le climat soit relativement chaud dans les États des deux Carolines. La rigueur des hivers y est souvent excessive. Nombre d’orangers périssent par le froid, et le lit de la Sarawba est parfois encombré de glaçons.

Dès l’après-midi, la chaîne des Montagnes-Bleues, à la distance de six milles seulement, apparut sur un large périmètre. Son arête se dessinait nettement sur un fond de ciel assez clair que sillonnaient de légers nuages. Très boisée à sa base, où s’enchevêtrait la ramure des conifères ; quelques arbres se dessinaient aussi en avant des roches noirâtres d’aspect bizarre. Çà et là se dressaient divers pics aux formes étranges, que, sur la droite, le Black-Dome[1] dépassait de sa tête gigantesque, par instants tout étincelante de rayons solaires.

« Est-ce que vous avez fait l’ascension de ce dôme, monsieur Smith ?… demandai-je.

— Non, me répondit-il, mais on assure qu’elle est assez difficile. Du reste, quelques touristes sont montés jusqu’à son sommet, et, de sa pointe, d’après ce qu’ils ont rapporté, le regard ne peut rien voir à l’intérieur du Great-Eyry.

— C’est la vérité, déclara le guide Harry Horn, et je l’ai constaté par moi-même.

  1. 2044 mètres d’altitude.