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à tout prix

Oui ! désappointement, déception, et, en somme, difficultés de plus en plus graves d’assurer la sécurité publique ! Allez donc poursuivre les malfaiteurs quand ils seront devenus insaisissables sur terre et sur mer !… Allez donc les poursuivre sous les eaux !… Et, lorsque les ballons dirigeables auront atteint leur dernier degré de perfection, allez donc poursuivre les bandits à travers l’espace !… Et j’en arrivai à me demander si, quelque jour, mes collègues et moi, nous ne serions pas réduits à l’impuissance, à l’inactivité, et si tous les policiers, devenus inutiles, ne seraient pas définitivement mis à la retraite !…

À cet instant me revint le souvenir de la lettre reçue une dizaine de jours avant, — cette lettre datée du Great-Eyry, qui me menaçait dans ma liberté, même dans ma vie, si je renouvelais ma tentative !… Je me rappelai aussi le singulier espionnage dont j’avais été l’objet. Depuis, aucune autre lettre de ce genre. Quant aux deux individus suspects, aucune rencontre avec eux. La vigilante Grad, toujours aux aguets, ne les avait pas vus reparaître devant la maison.

Je me demandai s’il ne vaudrait pas mieux mettre M. Ward dans la confidence. Mais, à bien réfléchir, l’affaire du Great-Eyry ne présentait plus d’intérêt. L’ « autre » en avait effacé jusqu’au souvenir… Très probablement les campagnards du district n’y songeaient guère, puisque les phénomènes, cause de leur épouvante, ne s’étaient pas renouvelés, et ils vaquaient tranquillement à leurs occupations habituelles.

Je me réservai donc de ne communiquer cette lettre à mon chef que si les circonstances l’exigeaient plus tard. D’ailleurs, il n’aurait vu là qu’une farce de mauvais plaisant.

Reprenant alors la conversation, interrompue pendant quelques minutes, M. Ward me dit :

« Nous allons essayer d’entrer en communication avec cet inventeur, et de traiter avec lui… Il a disparu, ce n’est que trop