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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIECLE.

cation du sucre, levèrent le plan des côtes de l’île et firent des observations astronomiques.

Ces travaux furent interrompus par l’annonce du départ du capitaine Baudin, qui devait, disait-on, doubler le cap Horn et reconnaître les côtes du Chili et du Pérou. Humboldt, qui avait promis de rejoindre l’expédition, partit aussitôt de Cuba pour traverser l’Amérique méridionale et se trouver sur les côtes du Pérou lors de l’arrivée du navigateur français. Ce fut seulement à Quito que Humboldt apprit que Baudin devait, au contraire, entrer dans le Pacifique, en doublant le cap de Bonne-Espérance. Il n’en est pas moins vrai que toutes les actions du voyageur avaient été subordonnées au désir de se trouver à époque fixe dans les parages où il croyait pouvoir rencontrer Baudin.

Au mois de mars 1801, Humboldt, accompagné du fidèle Bonpland, débarqua à Carthagène, d’où il se proposait de gagner Santa-Fé-de-Bogota, puis les plaines élevées de Quito. Les deux voyageurs résidèrent tout d’abord, afin d’éviter les chaleurs, au beau village de Turbaco, sur les hauteurs qui dominent la côte, et s’occupèrent de préparer leur voyage. Pendant une de leurs courses dans les environs, ils visitèrent une région extrêmement curieuse, dont leur avaient souvent parlé leurs guides indiens, et qu’on appelle les Volcanitos.

C’est un canton marécageux, situé au milieu d’une forêt de palmiers et d’arbres « tolu », à deux milles environ à l’est de Turbaco. Une légende, qui court le pays, veut que tout ce pays eût été embrasé autrefois ; mais un saint aurait éteint ce feu en jetant simplement dessus quelques gouttes d’eau bénite.

Humboldt trouva au milieu d’une vaste plaine une vingtaine de cônes d’une argile grisâtre, hauts de vingt-cinq pieds environ, dont l’orifice, au sommet, était rempli d’eau. Lorsqu’on s’en approche, on entend à intervalles réguliers un son creux, et, quelques minutes après, on voit s’échapper une forte quantité de gaz. Ces cônes sont, au dire des Indiens, dans le même état depuis nombre d’années.

Humboldt reconnut que le gaz qui se dégage de ces petits volcans est un azote beaucoup plus pur que celui qu’on pouvait se procurer jusqu’alors dans les laboratoires de chimie.

Santa-Fé est située dans une vallée élevée de huit mille six cents pieds au-dessus de la mer, qui est de tous côtés enfermée par de hautes montagnes, et semble avoir été autrefois un lac considérable. Le Rio-Bogota, qui rassemble toutes les eaux de cette vallée, s’est frayé un passage au sud-ouest de Santa-Fé et près de la ferme de Tequendama ; puis, quittant la plaine par un étroit canal, il passe dans le bassin de la Magdalena. Il en résulte que, si l’on bouchait ce passage, toute la plaine de Bogota serait inondée, et le grand lac, qui existait autrefois,