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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

la botanique, Humboldt se lia, à l’université de Göttingue, avec Forster le fils, qui venait d’accomplir le tour du monde à la suite du capitaine Cook. Cette liaison, et particulièrement les récits enthousiastes de Forster, contribuèrent vraisemblablement à faire naître chez Humboldt la passion des voyages. Il mène de front l’étude de la géologie, de la botanique, de la chimie, de l’électricité animale, et, pour se perfectionner dans ces différentes sciences, il voyage en Angleterre, en Hollande, en Italie et en Suisse. En 1797, après la mort de sa mère, qui s’était opposée à ses voyages hors d’Europe, il vient à Paris, où il fait la connaissance d’Aimé Bonpland, jeune botaniste avec lequel il forma aussitôt plusieurs projets d’explorations.

Il était convenu que Humboldt accompagnerait le capitaine Baudin ; mais les retards auxquels fut soumis le départ de cette expédition lassèrent sa patience, et il se rendit à Marseille dans l’intention d’aller retrouver l’armée française en Égypte. Pendant deux mois entiers, il attendit le départ d’une frégate qui devait conduire le consul suédois à Alger ; puis, fatigué de tous ces délais, il partit pour l’Espagne, avec son ami Bonpland, dans l’espoir d’obtenir la permission de visiter les possessions espagnoles d’Amérique.

Ce n’était pas chose facile ; mais Humboldt était doué d’une rare persévérance, il avait de belles connaissances, de chaudes recommandations, et il possédait déjà une certaine notoriété. Aussi fut-il, malgré la très vive répugnance du gouvernement, autorisé à explorer ces colonies et à y faire toutes les observations astronomiques et géodésiques qu’il voudrait.

Les deux amis partirent de la Corogne le 5 juin 1799, et, treize jours après, ils atteignirent les Canaries. Pour des naturalistes, débarquer à Ténériffe sans faire l’ascension du pic, c’eût été manquer tous leurs devoirs.

« Presque tous les naturalistes, dit Humboldt dans une lettre à La Metterie, qui (comme moi) sont passés aux Indes, n’ont eu le loisir que d’aller au pied de ce colosse volcanique et d’admirer les jardins délicieux du port de l’Orotava. J’ai eu le bonheur que notre frégate, le Pizarro, s’arrêta pendant six jours. J’ai examiné en détail les couches dont le pic de Teyde est construit… Nous dormîmes, au clair de la lune, à 1 200 toises de hauteur. La nuit à deux heures, nous nous mîmes en marche vers la cime, où, malgré le vent violent, la chaleur du sol qui brûlait nos bottes, et malgré le froid perçant, nous arrivâmes à huit heures. Je ne vous dirai rien de ce spectacle majestueux, des îles volcaniques de Lancerote, Canarie, Gomère, que l’on voit à ses pieds ; de ce désert de vingt lieues carrées couvert de pierres ponces et de laves, sans insectes, sans oiseaux ; désert qui nous sépare de ces bois touffus de lauriers et de bruyères, de ces