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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

pleine lune. Ils font aussi usage de deux plantes singulières, le « floripondio » et le « curupa », qui leur procurent une ivresse de vingt-quatre heures et des rêves fort étranges. L’opium et le hatchich avaient donc leur similaire au Pérou !

Le quinquina, l’ipécacuanha, le simaruba, la salsepareille, le gaïac et le cacao, la vanille, se trouvent partout sur les bords du Marañon. Il en est de même du caoutchouc, dont les Indiens faisaient des bouteilles, des bottes et des « seringues qui n’ont pas besoin de piston, dit la Condamine. Elles ont la forme de poires creuses, percées d’un petit trou à leur extrémité, où ils adaptent une canule. Ce meuble est fort en usage chez les Omaguas. Quand ils s’assemblent entre eux pour quelque fête, le maître de la maison ne manque pas d’en présenter une par politesse à chacun des conviés, et son usage précède toujours parmi eux les repas de cérémonie. »

Changeant d’équipage à San-Joaquin, La Condamine arriva à temps à l’embouchure du Napo pour observer, dans la nuit du 31 juillet au 1er  août, une émersion du premier satellite de Jupiter ; ce qui lui permit de fixer avec exactitude la longitude et la latitude de cet endroit ; observation précieuse, sur laquelle devaient reposer tous les relèvements du reste du voyage.

Pevas, qui fut atteinte le lendemain, est la dernière des missions espagnoles sur les bords du Marañon. Les Indiens, qui y étaient réunis, appartenaient à des nations différentes et n’étaient pas tous chrétiens. Ils portaient encore des ornements d’os d’animaux et de poissons passés dans les narines et dans les lèvres, et leurs joues criblées de trous servaient d’étui à des plumes d’oiseaux de toute couleur.

Saint-Paul est la première mission des Portugais. Là, le fleuve n’a pas moins de neuf cents toises, et il s’y élève souvent des tempêtes furieuses. Le voyageur fut agréablement surpris de voir les femmes indiennes porter des chemises de toile et posséder des coffres à serrure, des clefs de fer, des aiguilles, des miroirs, des oiseaux et d’autres ustensiles d’Europe que ces sauvages se procurent au Para, lorsqu’ils y vont porter leur récolte de cacao. Leurs canots sont bien plus commodes que ceux dont se servent les Indiens des possessions espagnoles. Ce sont de vrais petits brigantins de soixante pieds de long sur sept de large, que manœuvrent quarante rameurs.

De Saint-Paul à Coari se jettent dans l’Amazone de grandes et belles rivières appelées Yutay, Yuruca, Tefé, Coari, sur la rive méridionale, Putumayo, Yupura, qui viennent du nord. Sur les bords de cette dernière rivière habitaient encore des peuplades anthropophages. C’est là qu’avait été plantée, le 26 août 1639, par Texeira, une borne qui devait servir de frontière. Jusqu’en cet endroit, on s’était servi de la langue du Pérou pour communiquer avec les Indiens ; il fallut dès lors