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L’ASIE ET SES PEUPLES.

relatives à leur mission pour M. de Semonville. Mais cet ambassadeur avait été rappelé. Son successeur, M. de Sainte-Croix, n’avait pas entendu parler de leur voyage. Que faire en attendant la réponse aux instructions que M. de Sainte-Croix demandait à Paris ?

Les deux savants ne pouvaient rester oisifs. Ils se déterminèrent donc à visiter les côtes de l’Asie Mineure, quelques îles de l’archipel et l’Égypte. Comme le ministre de France avait eu d’excellentes raisons pour ne mettre à leur disposition que très peu d’argent, comme eux-mêmes n’avaient que des ressources très bornées, ils ne purent visiter qu’en courant tous ces pays si curieux.

À leur retour à Constantinople, Olivier et Bruguière trouvèrent un nouvel ambassadeur, Verninac, qui était chargé de les envoyer en Perse, où ils devaient s’efforcer de développer les sympathies du gouvernement pour la France, et le déterminer, s’il était possible, à déclarer la guerre à la Russie.

La Perse était à cette époque dans un état d’anarchie épouvantable, et les usurpateurs s’y succédaient, pour le plus grand mal des habitants. Méhémet-Khan était alors sur le trône. Il guerroyait dans le Khorassan, lorsqu’arrivèrent Olivier et Bruguière. On leur offrit de rejoindre le shah dans cette contrée qu’aucun voyageur n’avait encore visitée. L’état de santé de Bruguière les en empêcha et les retint, quatre mois durant, dans un village perdu au milieu des montagnes.

En septembre 1796, Méhémet rentra à Téhéran. Son premier acte fut de faire massacrer une centaine de matelots russes qu’on avait pris sur les bords de la Caspienne et de faire clouer leurs membres pantelants sur les portes de son palais. Dégoûtante enseigne, bien digne d’un tel bourreau !

L’année suivante, Méhémet fut assassiné, et son neveu Fehtah-Ali-Shah lui succéda, mais non sans combat.

Au milieu de ces incessants changements de souverains, il était difficile à Olivier de faire aboutir la mission dont le gouvernement français l’avait chargé. Avec chaque nouveau prince, il fallait recommencer les négociations. Les deux diplomates-naturalistes-voyageurs, comprenant qu’ils n’obtiendraient rien tant que le gouvernement subirait cette instabilité, incapable d’affermir le pouvoir dans les mains d’un shah quelconque, reprirent le chemin de l’Europe, et remirent à des jours meilleurs ou à de plus habiles le soin de conclure l’alliance de la France et de la Perse. Bagdad, Ispahan, Alep, Chypre, Constantinople, telles furent les étapes de leur voyage de retour.

Quels avaient été les résultats de ce long séjour ? Si le but diplomatique