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LES EXPLORATEURS DE L’AFRIQUE.

ce qui les empêche de s’allonger et les force à jeter d’autres bourgeons et des branches latérales. Ces branchettes sont attachées avec du fil d’archal et prennent le pli que veut leur donner le jardinier.

« Quand on a envie que l’arbre ait un air vieux et décrépit, on l’enduit, à plusieurs reprises, de thériaque ou de mélasse, ce qui attire des multitudes de fourmis, qui, non contentes de dévorer ces matières, attaquent l’écorce de l’arbre et la corrodent de manière à produire bientôt l’effet désiré. »

En quittant Chusan, l’escadre pénétra dans la mer Jaune, que n’avait jamais sillonnée aucun navire européen. C’est dans cette mer que se jette le fleuve Hoang-Ho, qui, dans sa longue et tortueuse course, entraîne une énorme quantité de limon jaunâtre, d’où ce nom donné à cette mer. Les bâtiments anglais jetèrent l’ancre dans la baie de Ten-chou-Fou, entrèrent bientôt dans le golfe de Pékin et s’arrêtèrent devant la barre du Peï-Ho. Comme il ne restait que trois ou quatre pieds d’eau sur cette barre, à marée basse, les navires ne purent la franchir.

Des mandarins, nommés par le gouvernement pour recevoir l’ambassadeur anglais, arrivèrent presque aussitôt, apportant quantité de présents. Ceux qui, en retour, étaient destinés à l’empereur, furent transbordés sur des jonques, tandis que l’ambassadeur devait passer sur un yacht qui lui avait été préparé.

La première ville devant laquelle s’arrêta le cortège est Takou, où Macartney reçut la visite du vice-roi de la province et du principal mandarin. C’étaient deux hommes à l’air noble et vénérable, très polis, et exempts de cette obséquiosité et de ces préventions qu’on rencontre chez les classes inférieures.

« On a raison de dire, remarque Macartney, que le peuple est ce qu’on le fait, et les Anglais en eurent continuellement des preuves dans l’effet que produisait sur le commun des Chinois la crainte de la pesante main du pouvoir. Quand ils étaient à l’abri de cette crainte, ils paraissaient d’un caractère gai et confiant ; mais, en présence de leurs magistrats, ils avaient l’air d’être extrêmement timides et embarrassés. »

En remontant le Peï-Ho, on ne s’avançait qu’avec une extrême lenteur vers Pékin, à cause des détours innombrables du fleuve. La campagne, admirablement bien cultivée, les maisons et les villages épars sur le bord de l’eau ou dans l’intérieur des terres, les cimetières, les pyramides de sacs remplis de sel, se déroulaient en un tableau enchanteur et toujours varié ; puis, lorsque, la nuit tombait, les lanternes de diverses couleurs, accrochées à la pomme des mâts des jonques et des yachts, jetaient sur le paysage des teintes singulières, qui lui donnaient un air fantastique.