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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

« La population de la colonie était pour nous un nouveau sujet d’étonnement et de méditation. Jamais peut-être un plus digne objet d’étude ne fut offert à l’homme d’État et au philosophe ; jamais peut-être l’heureuse influence des institutions sociales ne fut prouvée d’une manière plus évidente et plus honorable qu’aux rives lointaines dont nous parlons. Là, se trouvent réunis ces brigands redoutables qui furent si longtemps la terreur du gouvernement de leur patrie ; repoussés du sein de la société européenne, relégués aux extrémités du globe, placés dès le premier instant de leur exil entre la certitude du châtiment et l’espoir d’un sort plus heureux, environnés sans cesse par une surveillance inflexible autant qu’active, ils ont été contraints à déposer leurs mœurs antisociales.

« La plupart d’entre eux, après avoir expié leurs crimes par un dur esclavage, sont rentrés dans les rangs des citoyens. Obligés de s’intéresser eux-mêmes au maintien de l’ordre et de la justice, pour la conservation des propriétés qu’ils ont acquises, devenus presque en même temps époux et pères, ils tiennent à leur état présent par les liens les plus puissants et les plus chers.

« La même révolution, déterminée par les mêmes moyens, s’est opérée chez les femmes, et de misérables filles, insensiblement rendues à des principes de conduite plus réguliers, forment aujourd’hui des mères de famille intelligentes et laborieuses... »

L’accueil qui fut fait à Port-Jackson à l’expédition française fut on ne peut plus cordial. Toutes les facilités possibles furent accordées aux savants pour continuer leurs observations. En même temps, les vivres, les rafraîchissements, les secours de tout genre leur étaient prodigués par l’autorité militaire et par les simples particuliers.

Les courses aux environs furent des plus fructueuses. Les naturalistes eurent l’occasion d’examiner les fameuses plantations de vigne de Rose-Hill. Les meilleurs plants du Cap, des Canaries, de Madère, de Xérès et de Bordeaux, avaient été transportés en cet endroit.

« Dans aucune partie du monde, répondaient les vignerons interrogés, la vigne ne pousse avec plus de force et de vigueur que dans celui-ci. Toutes les apparences, pendant deux ou trois mois, se réunissent pour promettre à nos soins des récoltes abondantes ; mais à peine le plus léger souffle vient-il à partir du nord-ouest que tout est perdu sans ressource ; bourgeons, fleurs et feuilles, rien ne résiste à son ardeur dévorante ; tout se flétrit, tout meurt. »

Bientôt après, la culture des vignes, transplantées dans un milieu plus favorable, allait prendre une extension considérable, et les vignobles australiens,