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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

tafia de l’île de France, que le biscuit et les salaisons constitueraient à l’avenir la nourriture habituelle. Ces précautions prématurées allaient être la source des maladies qui devaient éprouver les équipages et du mécontentement d’une partie de l’état-major scientifique.

La durée de la traversée d’Europe à l’île de France, le long séjour dans cette dernière île avaient fait perdre une partie de la saison favorable. Baudin, craignant de se porter vers la terre de Diemen, résolut de commencer son exploration par la côte nord-ouest de la Nouvelle-Hollande. Il ne réfléchissait pas qu’en agissant ainsi, il aurait toujours à descendre vers les régions australes, et que ses progrès en ce sens coïncideraient avec la marche de la saison.

Le 27 mai, fut découverte la côte de la Nouvelle-Hollande. Elle était basse, stérile, sablonneuse. Successivement, on reconnut et l’on nomma la baie du Géographe, le cap du Naturaliste, l’anse Depuch et la pointe Piquet. En ce lieu, les naturalistes descendirent à terre, où ils firent une assez riche moisson de plantes et de coquillages. Mais, pendant ce temps, la violence de la mer éloignait les deux navires, et vingt-cinq hommes de l’équipage durent passer plusieurs jours à terre, n’ayant pour boire qu’une eau saumâtre, ne pouvant tuer gibier de poil ou de plume, n’ayant pour se nourrir qu’une sorte de perce-pierre, qui fournit une très grande quantité de carbonate de soude et contient un suc très âcre.

On fut obligé d’abandonner une chaloupe que les flots avaient jetée à terre, des fusils, des sabres, des cartouches, des câbles, des palans et une grande quantité d’objets.

« Mais, ce qu’il y eut de plus déplorable dans ce dernier désastre, dit la relation, ce fut la perte de l’un des meilleurs matelots du Naturaliste, le nommé Vasse, de la ville de Dieppe. Entraîné trois fois par les vagues au moment où il cherchait à se rembarquer, il disparut au milieu d’elles, sans qu’il fût possible de lui porter aucun secours, ou même de s’assurer de sa mort, tant la violence des flots était grande alors, tant l’obscurité était profonde. »

Ce mauvais temps devait durer. Le vent soufflait par rafales ; il tombait continuellement une pluie fine, et une brume épaisse fit bientôt perdre de vue le Naturaliste, qu’on ne devait retrouver qu’à Timor.

Aussitôt qu’il eut eu connaissance de l’île Rottnest, où rendez-vous, en cas de séparation, avait été donné au capitaine Hamelin, Baudin, à la surprise générale, donna l’ordre de faire route pour la baie des Chiens-Marins, à la terre d’Endracht.

Toute cette partie de la Nouvelle-Hollande n’est qu’un prolongement de côtes