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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

çais de bons procédés, et où quelques habitants avaient conservé le souvenir de Bougainville, l’expédition, d’abord sous le commandement de d’Auribeau, qui tomba bientôt malade, puis sous celui de Rossel, franchit le détroit de Bouton, celui de Saleyer, et arriva le 19 octobre devant Sourabaya.

De graves nouvelles y surprirent les membres de l’expédition. Louis XVI avait été décapité, la France était en guerre avec la Hollande et toutes les puissances de l’Europe. Bien que la Recherche et l’Espérance eussent besoin de nombreuses réparations et que la santé de leurs équipages exigeât un long repos, d’Auribeau se préparait à gagner l’île de France, lorsqu’il fut retenu par le gouverneur hollandais. La mésintelligence qui éclata bientôt entre les membres de l’expédition, dont les opinions politiques étaient très différentes, fit craindre au gouverneur que des troubles ne vinssent à éclater dans sa colonie, et il voulut soumettre ses « prisonniers » à des conditions très humiliantes, par lesquelles il fallut cependant passer. L’irritation et la haine éclatèrent, lorsque d’Auribeau crut à propos d’arborer le pavillon blanc. Mais la plupart des officiers et des savants, parmi lesquels La Billardière, s’y refusèrent obstinément, et, arrêtés par les autorités hollandaises, ils furent répartis dans les différents ports de la colonie.

À la mort de d’Auribeau, arrivée le 21 août 1791, Rossel devint le chef de l’expédition. Il se chargea de faire parvenir, en France, les documents de tout genre qui avaient été recueillis pendant la campagne ; mais, fait prisonnier par une frégate anglaise, il fut dépouillé au mépris du droit des gens, et, lorsque la France rentra en possession des objets d’histoire naturelle qui lui avaient été volés (l’expression n’est pas trop forte quand on se rappelle les instructions données par le gouvernement français au sujet de l’expédition du capitaine Cook), ils étaient en si mauvais état, qu’on ne put en tirer tout le fruit qu’on en attendait.

Ainsi finit cette campagne malheureuse. Si son but principal avait été complètement manqué, elle avait du moins opéré quelques découvertes géographiques, complété ou rectifié celles qui étaient dues à d’autres navigateurs, et elle rapportait une ample moisson de faits, d’observations, de découvertes dans les sciences naturelles, dues en grande partie au dévouement du naturaliste La Billardière.