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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

sence de quelques naturels, et les renseignements qu’il donne sur cette race aujourd’hui complètement éteinte sont assez intéressants pour que nous les reproduisions. Ils compléteront d’ailleurs ceux que nous devons au capitaine Cook.

« Ces sauvages étaient au nombre de quarante-deux, dont sept hommes faits et huit femmes ; les autres paraissaient être leurs enfants, parmi lesquels nous remarquâmes plusieurs filles déjà nubiles et encore moins vêtues que leurs mères.... Ces naturels ont les cheveux laineux et se laissent croître la barbe. La mâchoire supérieure s’avance, dans les enfants, beaucoup au delà de l’inférieure ; mais, s’affaissant avec l’âge, elle se trouve dans l’adulte à peu près sur la même ligne. Leur peau n’est pas d’un noir très foncé ; mais c’est sans doute une beauté chez ces peuples d’être très noirs, et, pour le paraître encore beaucoup plus qu’ils ne le sont en effet, ils se couvrent de poussière de charbon, principalement les parties supérieures du corps.

« On voit sur leur peau, particulièrement à la poitrine et aux épaules, des tubercules disposés symétriquement, offrant tantôt des lignes d’un décimètre de long, tantôt des points placés à différentes distances les uns des autres.... L’usage de s’arracher deux des dents incisives supérieures que, d’après le rapport de quelques voyageurs, on avait cru général parmi ces habitants, n’est certainement pas introduit chez cette peuplade, car nous n’en vîmes aucun à qui il en manquât à la mâchoire supérieure, et ils avaient tous de fort belles dents. Ces peuples sont couverts de vermine. Nous admirâmes la patience d’une femme qui fut longtemps occupée à en délivrer un de ses enfants ; mais nous vîmes avec beaucoup de répugnance que, comme la plupart des noirs, elle écrasait avec ses dents ces dégoûtants insectes et les avalait sur-le-champ. » Il est à remarquer que les singes ont les mêmes habitudes.

« Les petits enfants étaient fort curieux de tout ce qui avait un peu d’éclat ; ils ne se cachaient pas pour détacher les boutons de métal de nos habits. Je ne dois pas oublier de citer l’espièglerie d’un jeune sauvage à l’égard d’un de nos matelots. Celui-ci avait déposé au pied d’un rocher un sac rempli de coquillages. Aussitôt, le naturel le transporta furtivement ailleurs et le lui laissa chercher pendant quelque temps ; puis, il le rapporta à la même place, et il s’amusa beaucoup du tour qu’il venait de jouer. »

Dès la pointe du jour, le 26 pluviôse, les deux navires levèrent l’ancre, s’engagèrent dans le détroit d’Entrecasteaux, et mouillèrent, le 5 ventôse, dans la baie de l’Aventure. Après cinq jours de relâche et d’observations dans cette baie, d’Entrecasteaux fit voile vers la Nouvelle-Zélande, dont il rallia l’extrémité septentrionale.