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LA GUERRE DE COURSE AU XVIIIe SIÈCLE.

Personne, pas même le maître d’hôtel, ne doutait donc du succès ! D’ailleurs, Anson prit habilement ses dispositions et sut compenser le petit nombre de ses hommes par leur mobilité. Le combat fut vif ; les nattes dont les bastingages du galion étaient remplies, prirent feu, et les flammes s’élevèrent jusqu’à la hauteur du mât de misaine. C’était trop, pour les Espagnols, de deux ennemis à combattre. Ils se rendirent après une lutte de deux heures qui leur coûta soixante-sept tués et quatre-vingt-quatre blessés.

La prise était riche : « 1,313,843 pièces de huit[1] et 35,682 onces d’argent en lingots, outre une partie de cochenille et quelques autres marchandises d’assez peu de valeur en comparaison de l’argent. Cette proie, jointe aux autres, faisait à peu près la somme de 400,000 livres sterling, sans y comprendre les vaisseaux, les marchandises, etc., que l’escadre anglaise avait brûlés ou détruits aux Espagnols et qui ne pouvaient aller à moins de 600,000 livres sterling. »

Anson regagna la rivière de Canton avec sa prise, qu’il y vendit, bien au-dessous de sa valeur, pour la somme de 6,000 piastres, partit le 10 décembre, et rentra à Spithead, le 15 juin 1744, après une absence de trois ans et neuf mois. Son entrée à Londres fut triomphale. Trente-deux chariots y transportèrent, au son des tambours et des trompettes, aux acclamations de la multitude, les dix millions montant de ses nombreuses prises, que lui-même, ses officiers et ses matelots se partagèrent, sans que le roi lui-même eût le droit de figurer au partage.

Anson fut nommé contre-amiral, peu de temps après son retour en Angleterre, et reçut plusieurs commandements importants. En 1747, il s’empara, après une lutte héroïque, du marquis de La Jonquière-Taffanel. Nommé, à la suite de cet exploit, premier lord de l’Amirauté et amiral, il protégea, en 1758, la tentative de descente faite par les Anglais auprès de Saint-Malo, et mourut à Londres quelque temps après son retour.

  1. Monnaie d’or espagnole, ainsi nommée parce qu’elle est le huitième du doublon ; elle vaut 10 fr. 75 de notre monnaie.