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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

grande baie, à laquelle il donna son nom. La côte fut suivie à peu de distance, et des relèvements furent faits, qui forment une suite non interrompue jusqu’à une rivière importante, laquelle reçut le nom de Behring. C’était, suivant toute vraisemblance, celle que Cook avait appelée de ce nom.

Le 2 juillet, par 58° 36′ de latitude et 140° 31′ de longitude, fut découvert un enfoncement qui parut être une très belle baie. Des canots, sous les ordres de MM. de Pierrevert, de Flassan et Boutervilliers, furent aussitôt expédiés pour en faire la reconnaissance. Le rapport de ces officiers étant favorable, les deux frégates arrivèrent à l’entrée de cette baie ; mais l’Astrolabe fut rejetée en pleine mer par un courant violent, et la Boussole dut la rejoindre. À six heures du matin, après une nuit passée sous voiles, les bâtiments se présentèrent de nouveau.

« Mais, à sept heures du matin, dit la relation, lorsque nous fûmes sur la passe, les vents sautèrent à l’ouest-nord-ouest et au nord-ouest quart d’ouest, en sorte qu’il fallut ralinguer et même mettre le vent sur les voiles. Heureusement, le flot porta nos frégates dans la baie, nous faisant ranger les roches de la pointe de l’est à demi-portée de pistolet. Je mouillai en dedans par trois brasses et demie, fond de roche, à une demi-encâblure du rivage. L’Astrolabe avait mouillé sur le même fond et par le même brassiage. Depuis trente ans que je navigue, il ne m’est pas arrivé de voir deux vaisseaux aussi près de se perdre…. Notre situation n’eût rien eu d’embarrassant si nous n’eussions pas été mouillés sur un fond de roche qui s’étendait à plusieurs encâblures autour de nous ; ce qui était bien contraire au rapport de MM. de Flassan et Boutervilliers. Ce n’était pas le moment de faire des réflexions ; il fallait se tirer de ce mauvais mouillage, et la rapidité du courant était un grand obstacle…. »

La Pérouse y parvint cependant, grâce à une série de manœuvres habiles.

Depuis qu’ils étaient entrés dans la baie, les vaisseaux avaient été entourés de pirogues chargées de sauvages. De tous les objets d’échange qu’on leur offrait contre du poisson, des peaux de loutre et d’autres animaux, c’était le fer que préféraient ces indigènes. Leur nombre augmenta rapidement au bout de quelques jours de relâche, et ils ne tardèrent pas à devenir, sinon dangereux, du moins incommodes.

La Pérouse avait installé un observatoire sur une île de la baie, et dressé des tentes pour les voiliers et les forgerons. Rien que cet établissement fût gardé avec vigilance, les naturels, « se glissant sur le ventre comme des couleuvres, sans remuer presque une feuille, parvenaient, malgré nos sentinelles, à dérober quelques-uns de nos effets. Enfin, ils eurent l’adresse d’entrer, de nuit,