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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

Canaries, à Gorée, aux îles du Cap-Vert, à la Martinique, à Saint-Domingue, à Terre-Neuve, aux Canaries, à Cadix, et rentra à l’île d’Aix, le 31 octobre 1769.

Les montres, transportées dans des climats alternativement froids, chauds et tempérés, avaient éprouvé toutes les vicissitudes de la température, en même temps qu’elles avaient été exposées à toute l’agitation de la mer pendant la saison la plus rude de l’année.

À la suite de cette épreuve, dont il était sorti à son honneur, Berthoud obtint le brevet et la pension d’inspecteur des montres marines.

Mais cette campagne avait eu d’autres résultats qui nous touchent bien plus directement, Fleurieu avait fait nombre d’observations astronomiques et de relevés hydrographiques, qui lui permettaient de juger en connaissance de cause, et de condamner les cartes de son temps.

« J’ai répugné longtemps, dit-il dans le récit de son voyage, à faire une critique détaillée des cartes du Dépôt ; je voulais me borner à indiquer les nouvelles déterminations, d’après lesquelles on devait les rectifier ; mais les erreurs sont si multipliées, si dangereuses, que je me serais cru coupable envers les marins si je négligeais de leur en faire connaître tout le détail.... »

Un peu plus loin, il critique avec raison les cartes d’un géographe qui avait eu son heure de réputation.

« Je n’entreprendrai pas, dit-il, de rapporter ici toutes les erreurs que j’ai reconnues dans les cartes de M. Bellin. L’énumération en est infinie. Je me contenterai seulement, pour prouver la nécessité du travail auquel je me suis livré, d’indiquer les fautes qui méritent une attention particulière, soit qu’on veuille comparer les positions de certains lieux prises sur ses cartes à celles qu’elles auraient dû avoir si M. Bellin eût voulu faire usage des observations astronomiques qui ont été publiées en différents temps, soit que l’on compare d’autres positions à celles que nous avons déterminées par nos propres observations. » 

Enfin, il termine, après avoir relevé une longue liste d’erreurs dans la situation des localités les plus fréquentées de l’Europe, de la côte d’Afrique et de l’Amérique, par ces quelques mots si judicieux :

« En jetant les yeux sur le tableau des diverses erreurs que je viens de relever dans les cartes de M. Bellin, on se sent entraîné vers une réflexion, triste à la vérité, mais à laquelle il est nécessaire de s’arrêter : si les cartes qui contiennent la partie du globe la mieux connue, pour laquelle on avait le plus d’observations, sont encore si éloignées d’être exactes, quelle exactitude pouvons-nous attendre des cartes qui représentent des côtes et des îles moins fréquentées, dessinées et placées d’après une estime vague et des conjectures hasardées ? »