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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIECLE.

Mais, au lieu de regagner l’île de France, il débarqua dans la baie d’Antongil, à Madagascar. Il savait y trouver en abondance des citrons, des limons, des ananas, du pourpier et d’autres antiscorbutiques, ainsi que de la viande fraîche.

Un aventurier, dont l’histoire est assez singulière, Beniowski, venait d’y créer pour la France un établissement. Mais il manquait de tout. Kerguelen lui fournit des affûts de campagne, des briques à four, des outils de fer, des chemises, des couvertures, et enfin il lui fit construire par ses charpentiers un magasin à vivres.

Trente-cinq hommes de l’équipage du Roland étaient morts depuis qu’il avait quitté les terres australes. Que Kerguelen restât huit jours de plus dans ces parages, cent hommes auraient sûrement péri !

À son retour en France, pour tant de fatigues vaillamment supportées, Kerguelen ne recueillit que la haine et la calomnie. Le déchaînement fut tel contre lui qu’un de ses officiers ne craignit pas de publier un mémoire, dans lequel tous les faits étaient envisagés sous le jour le plus défavorable, et où toute la responsabilité de l’insuccès retombait sur Kerguelen. Nous ne voulons pas dire que celui-ci n’ait eu aucun tort, mais nous considérons comme profondément injuste le jugement du conseil de guerre qui le cassait de son grade et le condamnait à la détention dans le château de Saumur. Cette condamnation fut, sans doute, trouvée excessive, et le gouvernement y reconnut plus d’animosité que de justice, car Kerguelen fut rendu quelques mois après à la liberté. Le grand argument qu’on avait employé contre lui avait été l’abandon d’une chaloupe et de son équipage aux terres australes, équipage qui n’avait été sauvé que par le retour inopiné et fortuit de la Fortune. Il faut croire que ce fait avait encore été singulièrement travesti, car il existe une lettre de l’officier abandonné, M. de Rosily, plus tard vice-amiral, qui redemandait à servir sous les ordres de Kerguelen.

Le récit de ces deux campagnes est extrait de l’apologie publiée par Kerguelen pendant sa détention, ouvrage que le gouvernement fit saisir, et qui, par cela même, est devenu extrêmement rare.

Il faut aborder maintenant le récit d’expéditions qui, si elles n’amenèrent pas de découvertes, eurent, du moins, une importance capitale, en ce sens qu’elles contribuèrent à la rectification des cartes, au progrès de la navigation et de la géographie, mais surtout en ce qu’elles résolurent un problème depuis longtemps cherché : la détermination des longitudes en mer.

Pour déterminer la position d’une localité, il faut obtenir sa latitude, c’est-à-dire sa distance au nord ou au sud de l’équateur, et sa longitude, en