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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

« Nous tentâmes de les gagner par de petits présents ; ils rejetèrent avec mépris tout ce qu’on leur présenta, même le fer, les miroirs, des mouchoirs et des morceaux de toile. On leur fit voir des poules et des canards qu’on avait apportés du vaisseau, pour leur faire entendre qu’on désirait en acheter d’eux. Ils prirent ces bêtes, qu’ils témoignèrent ne pas connaître, et les jetèrent avec un air de colère. »

Il y avait déjà une heure qu’on essayait de gagner ces sauvages, lorsque Marion et Du Clesmeur débarquèrent. On leur présenta aussitôt un brandon enflammé, et ceux-ci n’hésitèrent pas à allumer un bûcher tout préparé, dans la persuasion que c’était une cérémonie pacifique. Ils se trompaient, car les naturels se retirèrent aussitôt, et firent voler une grêle de pierres qui blessèrent les deux commandants. On leur répondit par quelques coups de fusil, et tout le monde se rembarqua.

Lors d’une nouvelle tentative de débarquement, à laquelle s’opposèrent les sauvages avec une grande bravoure, il fallut répondre à leur agression par une fusillade qui en blessa plusieurs et en tua un. Les hommes prirent terre aussitôt et poursuivirent les naturels, qui n’essayèrent pas de résister.

Deux détachements furent ensuite envoyés à la découverte d’une aiguade et d’arbres propres à refaire la mâture du Castries. Six jours se passèrent à ces recherches infructueuses. Toutefois, ils ne furent pas perdus pour la science, car on fit nombre d’observations curieuses.

« Par les tas considérables de coquillages que nous avons trouvés de distance en distance, dit Crozet, nous avons jugé que la nourriture ordinaire des sauvages était des moules, des pinnes-marines, des peignes, des cames et divers coquillages semblables. »

N’est-il pas singulier de retrouver à la Nouvelle-Zélande ces débris de cuisine si communs sur les côtes Scandinaves et que nous avons déjà signalés dans l’isthme de Panama ? L’homme n’est-il pas partout le même, et les mêmes besoins ne lui inspirent-ils pas les mêmes actes ?

Voyant qu’il était inutile de passer plus de temps à chercher de l’eau et du bois afin de remâter le Castries et de radouber le Mascarin qui faisait beaucoup d’eau, Marion appareilla le 10 mars pour la Nouvelle-Zélande, qu’il atteignait quatorze jours plus tard.

Découverte en 1642 par Tasman, visitée en 1772 par Cook et Surville, cette terre commençait à être connue.

Les deux bâtiments atterrirent près du mont Egmont : mais le rivage était tellement accore en cet endroit, que Marion fit regagner le large et revint