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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

lage vis-à-vis de cette anse. Je crus y apercevoir une cascade qui tombait des montagnes. En doublant l’île, nous découvrîmes trois îlots qui en étaient détachés ; deux étaient en dedans d’un grand enfoncement que forme la côte, et le troisième terminait sa pointe septentrionale. Cette île nous parut aride, d’environ sept à huit lieues de circonférence, sans verdure, sa côte assez saine et sans danger. M. Marion la nomma l’île de la Caverne. »

Ces deux terres australes sont situées par la latitude de 43° 45’ sud et par 34° 31’ à l’est du méridien de Paris, un demi-degré à l’est de la route suivie par Bouvet. Le lendemain, la terre d’Espérance fut reconnue à six lieues du rivage et parut très verte. Le sommet des montagnes était fort élevé et couvert de neige. Les navigateurs se préparaient à chercher un mouillage, lorsque les deux bâtiments s’abordèrent pendant les opérations de sondage, et se firent de mutuelles avaries. Les réparations prirent trois jours. Le temps, qui avait été favorable, se gâta, le vent devint violent. Il fallut continuer la route en suivant le quarante-sixième parallèle.

Le 24 janvier furent découvertes de nouvelles terres.

« Elles nous parurent d’abord former deux îles, dit Crozet ; j’en dessinai la vue à la distance de huit lieues, et bientôt on les prit pour deux caps et l’on crut voir dans l’éloignement une continuité de terre entre deux. Elles sont situées par 45° 5’ sud et par la longitude estimée à l’est du méridien de Paris de 42°. M. Marion les nomma les îles Froides. »

Bien qu’on eût fait peu de voile pendant la nuit, il fut impossible de revoir ces îles le lendemain. Le Castries fit, ce jour-là, signal qu’il apercevait terre. Elle gisait à dix ou douze lieues dans l’est-sud-est de la première. Mais une brume épaisse, qui ne dura pas moins de douze heures, la pluie continuelle, le froid, très vif et très rude pour des hommes peu vêtus, empêchèrent d’en approcher à plus de six ou sept lieues.

Le lendemain 24, cette côte fut revue, ainsi qu’une nouvelle terre, qui reçut le nom d’île Aride et qui est aujourd’hui connue sous le nom d’île Crozet. Marion put enfin mettre un canot à la mer et ordonna à Crozet d’aller prendre possession, au nom du roi, de la plus grande des deux îles, qui est située par la latitude méridionale de 46° 30’ et par la longitude estimée à l’orient du méridien de Paris de 43°.

« M. Marion la nomma l’île de la Prise de Possession. (Elle est aujourd’hui désignée sous le nom d’île Marion.) C’était la sixième île que nous découvrions dans cette partie australe..... Je gagnai aussitôt une éminence, d’où je découvris de la neige dans plusieurs vallées ; la terre paraissait aride, couverte d’un