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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

il demanda du biscuit, en mangea de fort bon appétit, et fit divers signes très expressifs. On eut soin de le lier et de le veiller pour empêcher qu’il ne se jetât à la mer. »

Pendant la nuit, il fallut employer la mousquetade pour écarter les embarcations qui s’approchaient dans l’intention de surprendre le vaisseau. Le lendemain, on embarqua le naturel et on le conduisit sur un îlot qu’on appela, depuis, île de l’Aiguade. À peine était-il débarqué, qu’on s’aperçut qu’il avait presque entièrement coupé ses liens avec une coquille tranchante.

On ramena le jeune sauvage par un autre chemin au bord de la mer ; lorsqu’il vit qu’on voulait le rembarquer, il se roula sur le rivage en poussant des hurlements, et, dans sa fureur, il mordait le sable.

Les matelots parvinrent enfin à découvrir une source assez abondante, et ils purent faire du bois. Un des arbres que l’on coupa parut propre à la teinture, car il teignait en rouge l’eau de la mer. On fit bouillir l’écorce, et les pièces de coton qu’on trempa dans cette décoction prirent une teinte rouge très prononcée.

Quelques choux palmistes, de très bonnes huîtres et plusieurs sortes de coquillages fournirent de précieux rafraîchissements à l’équipage. Le Saint-Jean-Baptiste comptait, en effet, beaucoup de scorbutiques. Surville avait espéré que cette relâche les remettrait ; mais la pluie, qui ne cessa pas de tomber pendant six jours, empira tellement leur mal, que trois d’entre eux périrent avant même qu’on eût quitté le mouillage.

Ce port reçut le nom de port Praslin, et la grande île ou l’archipel auquel il appartient, celui de terre des Arsacides, à cause de la duplicité de ses habitants.

Le port Praslin, dit Fleurieu, serait un des plus beaux ports de l’univers si la qualité du fond ne s’opposait à ce qu’il fût un bon port. Il est de forme à peu près circulaire, si l’on y comprend toutes les îles que l’on découvrait du point où le Saint-Jean-Baptiste était mouillé… La férocité des peuples qui habitent les îles du port Praslin n’a pas permis de pénétrer dans l’intérieur du pays, et l’on n’a pu examiner que les parties voisines de la mer. On n’a aperçu aucun terrain cultivé, ni dans la course que les bateaux ont faite jusqu’au fond du port, ni sur l’île de l’Aiguade, qu’on a visitée dans toute son étendue. »

Tels sont les renseignements assez superficiels que Surville put se procurer, soit par lui-même, soit par ses gens. Ils furent heureusement complétés par ceux que fournit l’indigène capturé, dont le nom était Lova-Salega, et qui était doué d’une merveilleuse faculté pour apprendre les langues.

Les productions de l’île étaient suivant ce dernier, le palmiste, le cocotier et