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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

navigateur. On arriva bientôt dans les parages du détroit de Juan de Fuca, mais on ne découvrit rien qui y ressemblât, bien que ce détroit existe réellement, et sépare du continent l’île de Vancouver.

Cook reconnut bientôt par 49° 15’ de latitude une baie à laquelle il donna le nom de baie Hope. Il y mouilla pour faire de l’eau et donner un peu de repos à ses équipages fatigués. Cette côte était habitée, et trois canots s’approchèrent des navires.

« L’un des sauvages, dit-il, se leva, fit un long discours et des gestes que nous prîmes pour une invitation à descendre à terre. Sur ces entrefaites, il jeta des plumes vers nous, et plusieurs de ses camarades nous lancèrent des poignées de poussière ou d’une poudre rouge ; celui qui remplit les fonctions d’orateur était couvert d’une peau, et il tenait dans chaque main quelque chose qu’il secouait, et d’où il tirait un son pareil à celui des grelots de nos enfants. Lorsqu’il se fut fatigué à débiter sa harangue et ses exhortations, dont nous ne comprîmes pas un seul mot, il se reposa ; mais deux autres hommes prirent successivement la parole ; leur discours ne fut pas aussi long, et ils ne le débitèrent pas avec autant de véhémence. »

Plusieurs de ces naturels avaient le visage peint d’une manière extraordinaire, et des plumes étaient fichées sur leur tête. Bien qu’ils montrassent des dispositions pacifiques, il fut absolument impossible d’en décider un seul à monter à bord.

Cependant, lorsque les vaisseaux eurent jeté l’ancre, le commandant fit désenverguer les voiles, rentrer les mâts de hune et dégréer le mât de misaine de la Résolution, afin d’y faire quelques réparations. Les échanges commencèrent bientôt avec les Indiens, et l’honnêteté la plus rigoureuse présida à ce commerce. Les objets qu’ils offraient, c’étaient des peaux d’ours, de loup, de renard, de daim, de putois, de martre, et en particulier de ces loutres de mer qu’on trouve aux îles situées à l’est du Kamtchatka, puis des habits faits d’une espèce de chanvre, des arcs, des lances, des hameçons, des figures monstrueuses, une espèce d’étoffe de poil ou de laine, des sacs remplis d’ocre rouge, des morceaux de bois sculpté, des colifichets de cuivre et de fer en forme de fer à cheval, qu’ils suspendaient à leur nez.

« Des crânes et des mains d’hommes, qui n’étaient pas encore dépouillés de leurs chairs, furent ce qui nous frappa le plus parmi les choses qu’ils nous offrirent ; ils nous firent comprendre d’une manière claire qu’ils avaient mangé ce qui manquait, et nous reconnûmes, en effet, que ces crânes et ces mains avaient été sur le feu »