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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

semblait n’avoir aucun rapport avec toutes celles que les Anglais avaient entendues jusqu’alors.

Lorsque le commandant débarqua, il fut reçu avec des démonstrations de joie et la surprise naturelle à un peuple qui voit pour la première fois des objets dont il n’a pas l’idée. Plusieurs chefs, ayant fait faire silence, prononcèrent de courtes harangues, et Cook commença sa distribution de quincaillerie habituelle. Puis, les officiers se mêlèrent à la foule pour faire leurs observations.

Plusieurs de ces indigènes paraissaient affectés d’une sorte de lèpre, et leurs bras ainsi que leurs jambes étaient prodigieusement enflés. Presque entièrement nus, ils n’avaient pour vêtement qu’un cordon, serré à la taille, auquel pendait un lambeau d’étoffe de figuier. Quelques-uns portaient d’énormes chapeaux cylindriques, à jour des deux côtés, qui ressemblaient aux bonnets des hussards hongrois. À leurs oreilles, fendues et allongées, étaient suspendus des boucles en écaille ou des rouleaux de feuilles de canne à sucre. On ne tarda pas à rencontrer un petit village, au-dessus des mangliers qui bordaient le rivage. Il était entouré de plantations de cannes à sucre, d’ignames et de bananiers, arrosées par de petits canaux, très-habilement dérivés du cours d’eau principal.

Cook n’eut pas de peine à constater qu’il ne devait rien attendre de ce peuple, que la permission de visiter librement la contrée.

« Ces indigènes, dit-il, nous apprirent quelques mots de leur langue, qui n’avait aucun rapport avec celles des autres îles. Leur caractère était doux et pacifique, mais très indolent ; ils nous accompagnaient rarement dans nos courses. Si nous passions près de leurs huttes, et si nous leur parlions, ils nous répondaient ; mais, si nous continuions notre route sans leur adresser la parole, ils ne faisaient pas attention à nous. Les femmes étaient cependant un peu plus curieuses, et elles se cachaient dans des buissons écartés pour nous observer ; mais elles ne consentaient à venir près de nous qu’en présence des hommes.

« Ils ne parurent ni fâchés ni effrayés de ce que nous tuions des oiseaux à coups de fusil ; au contraire, quand nous approchions de leurs maisons, les jeunes gens ne manquaient pas de nous en montrer, pour avoir le plaisir de les voir tirer. Il semble qu’ils étaient peu occupés à cette saison de l’année ; ils avaient préparé la terre et planté des racines et des bananes dont ils attendaient la récolte l’été suivant ; c’est peut-être pour cela qu’ils étaient moins en état que dans un autre temps de vendre leurs provisions, car, d’ailleurs, nous avions lieu de croire qu’ils connaissaient ces principes d’hospitalité, qui rendent les insulaires de la mer du Sud si intéressants pour les navigateurs. »

Ce que dit Cook de l’indolence des Néo-Calédoniens est parfaitement exact.