Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

haies de roseaux entrelacés, qui communiquaient entre eux par des portes formées de planches et pendues à des gonds. La perfection de la culture, cet instinct si développé de la propriété, tout annonçait un degré de civilisation supérieur à celui de Taïti.

Malgré l’affabilité de la réception qui lui fut faite, Cook, qui ne pouvait obtenir à aucun prix ni cochons ni volailles, quitta cette île pour gagner celle d’Amsterdam, la Tonga-Tabou des indigènes, où il espérait obtenir les vivres dont il avait besoin.

Les navires ne tardèrent pas à mouiller dans la rade de Van-Diemen, par dix-huit brasses d’eau, à une encablure des brisants qui bordent la côte. Les naturels, très confiants, apportèrent des étoffes, des nattes, des outils, des armes, des ornements, et, bientôt après, des cochons et des volailles. Œdidi leur acheta avec beaucoup d’empressement des plumes rouges, qui, à ce qu’il assurait, auraient une valeur extraordinaire à Taïti.

Cook descendit à terre avec un indigène, nommé Attago, qui s’était attaché à lui dès le premier moment. Pendant cette promenade, il remarqua un temple assez semblable aux moraïs, et qui était désigné sous le nom générique de Faïtoka. Élevé sur une butte construite de main d’homme à seize ou dix-huit pieds au-dessus du sol, ce temple avait une forme oblongue, et l’on y parvenait par deux escaliers de pierre. Construit comme les habitations des naturels, c’est-à-dire avec des poteaux et des solives, il était couvert de feuilles de palmier. Deux images en bois, grossièrement sculptées, longues de deux pieds, en occupaient les coins.

« Comme je ne voulais offenser ni eux ni leurs dieux, dit le commandant, je n’osai pas les toucher, mais je demandai à Attago si c’étaient des « Eatuas » ou dieux. J’ignore s’il me comprit, mais à l’instant il les mania et les retourna aussi grossièrement que s’il avait touché un morceau de bois, ce qui me convainquit qu’elles ne représentaient pas la divinité. »

Quelques vols se produisirent ; mais ils ne troublèrent pas les relations, et l’on put se procurer une quantité considérable de rafraîchissements.

Avant son départ, le capitaine eut une entrevue avec un personnage entouré d’un respect extraordinaire, et que tous les naturels s’accordaient à qualifier de roi.

« Je le trouvai assis, dit Cook, avec une gravité si stupide et si sombre, que, malgré tout ce qu’on m’en avait dit, je le pris pour un idiot que le peuple adorait d’après quelques idées superstitieuses. Je le saluai et je lui parlai, mais il ne me répondit point, et ne fit pas même attention à moi… J’allais le quitter,