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SECOND VOYAGE DU CAPITAINE COOK.

Dès que Cook eut fini la reconnaissance hydrographique de la baie Dusky, il mit le cap sur le détroit de la Reine-Charlotte, rendez-vous assigné au capitaine Furneaux.

Le 17 mai, l’équipage fut témoin d’un spectacle magnifique. Six trombes, dont l’une, large de soixante pieds à sa base, passa à cent pieds du vaisseau, s’élevèrent successivement, mettant, par une aspiration énergique, les nuages et la mer en communication. Ce phénomène dura près de trois quarts d’heure, et, au sentiment de frayeur dont il avait tout d’abord frappé l’équipage, avait bientôt succédé l’admiration qu’excitaient, surtout à cette époque, ces météores peu connus.

Le lendemain, au moment où la Résolution pénétrait dans le canal de la Reine-Charlotte, on aperçut l’Aventure, arrivée déjà depuis six semaines. Après avoir atteint, le 1er mars, la Terre de Van-Diemen, Furneaux l’avait suivie pendant dix-sept jours ; mais il avait dû la quitter avant d’avoir pu s’assurer, comme il le pensait, si elle faisait partie de la Nouvelle-Hollande. Il avait réservé au chirurgien Bass de réfuter cette erreur. Le 9 avril, après avoir atteint le détroit de la Reine-Charlotte, le commandant de l’Aventure avait mis à profit ses loisirs pour ensemencer un jardin et entretenir quelques relations avec les Zélandais, qui lui avaient fourni des preuves irréfutables de leur anthropophagie.

Avant de continuer son voyage de découvertes, Cook obéit à la même pensée qui avait inspiré sa conduite à la baie Dusky. Il mit à terre un bélier et une brebis, un bouc et une chèvre, un cochon et deux truies pleines. Il planta aussi des pommes de terre, dont il n’existait jusqu’alors des échantillons que sur la plus septentrionale des deux îles qui composent la Nouvelle-Zélande.

Les indigènes ressemblaient beaucoup à ceux de la baie Dusky ; mais ils paraissaient plus insouciants, couraient d’une chambre à l’autre, pendant le souper, et dévoraient tout ce qu’on leur offrait. Il fut impossible de leur faire avaler une goutte de vin ou d’eau-de-vie, mais ils étaient très sensibles à l’eau mélangée de sucre.

« Ils mettaient les mains, dit Cook, sur tout ce qu’ils voyaient, mais ils le rendaient, du moment où on leur disait par signes que nous ne voulions ou ne pouvions le leur donner. Ils estimaient particulièrement les bouteilles de verre, qu’ils appelaient « Tawhaw » ; mais, lorsqu’on leur eut expliqué la dureté et l’usage du fer, ils le préférèrent aux verroteries, aux rubans et au papier blanc. Parmi eux se trouvaient plusieurs femmes, dont les lèvres étaient remplies de petits trous peints en bleu noirâtre ; un rouge vif, formé de craie et d’huile, couvrait leurs joues. Elles avaient, comme celles de la baie Dusky, les jambes