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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

suie ou de ce qu’on peut nommer couleur chocolat foncé ; leurs cheveux, noirs sans être laineux, étaient coupés courts ; les uns les avaient lisses, et les autres bouclés... Plusieurs parties de leur corps avaient été peintes en rouge, et l’un d’eux portait, sur la lèvre supérieure et sur la poitrine, des raies de blanc qu’il appelait « carbanda ». Les traits de leur visage étaient bien loin d’être désagréables ; ils avaient les yeux très vifs, les dents blanches et unies, la voix douce et harmonieuse. »

Plusieurs portaient un ornement singulier, dont Cook n’avait encore vu d’exemple qu’à la Nouvelle-Zélande : c’était un os d’oiseau de la grosseur du doigt, passé dans le cartilage qui sépare les deux narines.

Un peu plus tard, une querelle éclata à propos de tortues, dont l’équipage s’était emparé et dont les naturels prétendaient avoir leur part, sans avoir cependant le moins du monde participé à leur capture. Voyant qu’on ne voulait pas accéder à leur demande, ils se retirèrent furieux et mirent le feu aux herbes au milieu desquelles était assis le campement des Anglais. Ceux-ci perdirent dans l’incendie tout ce qui était combustible, et le feu, courant au loin sur les collines, leur offrit durant la nuit un spectacle magnifique.

MM. Banks, Solander et plusieurs autres avaient fait, pendant ce temps, des chasses heureuses ; ils avaient tué des kanguroos, des opossums, une espèce de putois, des loups, plusieurs sortes de serpents, dont quelques-uns étaient venimeux. Ils virent aussi des volées d’oiseaux, milans, faucons, cacatois, loriots, perroquets, pigeons, et nombre d’autres qui leur étaient inconnus.

Dès qu’il fut sorti de la rivière Endeavour, Cook put juger de la difficulté de la navigation dans ces parages. De tous côtés, ce n’étaient qu’écueils et hauts fonds. Le soir même, on fut forcé de jeter l’ancre, car il était impossible d’avancer pendant la nuit, à travers ce dédale de brisants, sans risquer d’échouer. À l’extrême portée de la vue, la mer semblait déferler sur une ligne d’écueils avec plus de violence que sur les autres, et il semblait que ce dût être la dernière.

Lorsque Cook y arriva, après cinq jours de lutte contre un vent contraire, il découvrit trois îles, qui gisaient à quatre ou cinq lieues dans le nord. Mais ses tribulations n’étaient pas près de leur fin. Le navire se trouva de nouveau entouré de récifs et de chaînes d’îlots bas et rapprochés, entre lesquels il semblait impossible de se risquer. Cook se demanda s’il ne serait pas plus prudent de retourner en arrière pour chercher un autre passage. Mais le retard que devait occasionner un pareil détour l’aurait certainement empêché d’arriver à temps dans les Indes. Enfin, il y avait à ce projet un obstacle insurmontable : il ne restait que trois mois de provisions sur le bâtiment.