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PREMIER VOYAGE DU CAPITAINE COOK.

rents districts et recueillirent une foule d’observations intéressantes sur les mœurs et les coutumes des naturels.

L’une des plus curieuses consiste à laisser les morts se décomposer à l’air libre et à n’enterrer que les ossements. Le cadavre est placé sous un hangar de quinze pieds de long sur onze de large, avec une hauteur proportionnée ; l’un des bouts est ouvert, et les trois autres côtés sont enfermés par un treillage d’osier. Le plancher sur lequel repose le corps est élevé d’environ cinq pieds au-dessus de terre. Là, le cadavre est étendu enveloppé d’étoffes, avec sa massue et une hache de pierre. Quelques noix de coco, enfilées en chapelet, sont suspendues à l’extrémité ouverte du hangar ; une moitié de noix de coco, placée à l’extérieur, est remplie d’eau douce, et un sac, renfermant quelques morceaux de l’arbre à pain tout grillé, est attaché à un poteau. Cette espèce de monument porte le nom de « toupapow ». Comment a été introduit cet usage singulier d’élever le mort au-dessus de la terre jusqu’à ce que la chair soit consumée par la putréfaction ? C’est ce qu’il fut impossible de savoir. Cook remarqua seulement que les cimetières, appelés « moraï », sont des lieux où les indigènes vont rendre une sorte de culte religieux, et que jamais ceux-ci ne les virent s’en approcher sans inquiétude.

Un mets qui est considéré comme des plus délicats, c’est le chien. Tous ceux qu’on élève pour la table ne mangent jamais de viande, mais seulement des fruits à pain, des noix de coco, des ignames et autres végétaux. Étendu dans un trou sur des pierres brûlantes, recouvert de feuilles vertes et de pierres chaudes sur lesquelles on rejette la terre, en quatre heures l’animal est cuit à l’étuvée, et Cook, qui en mangea, convient que c’est une chair délicieuse.

Le 7 juillet, on commença les préparatifs du départ. En peu de temps, les portes et les palissades de la forteresse furent démontées, les murailles abattues.

C’est à ce moment qu’un des naturels, qui avaient le plus familièrement reçu les Européens, vint à bord de l’Endeavour avec un jeune garçon de treize ans qui lui servait de domestique. Il avait nom Tupia. Autrefois premier ministre de la reine Oberea, il était alors un des prêtres principaux de Taïti. Il demanda à partir pour l’Angleterre. Plusieurs raisons décidèrent Cook à le prendre à bord. Très au courant de tout ce qui regardait Taïti, par la haute situation qu’il avait occupée, par les fonctions qu’il remplissait encore, cet indigène était en état de donner les renseignements les plus circonstanciés sur ses compatriotes, en même temps qu’il pourrait initier ceux-ci à la civilisation européenne. Enfin, il avait visité les îles voisines et connaissait parfaitement la navigation de ces parages.