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les tribulations d’un chinois en chine

longtemps leur prime. Voyons, entre nous, pourquoi le riche monsieur Kin-Fo se suiciderait-il ?

— Et pourquoi le riche monsieur Kin-Fo s’assurerait-il ?

— Oh ! répondit William J. Bidulph, pour avoir la certitude de vivre très vieux, en sa qualité de client de la Centenaire ! »

Il n’y avait pas à discuter plus longuement avec l’agent principal de la célèbre compagnie. Il était tellement sûr de ce qu’il disait !

« Et maintenant, ajouta-t-il, au profit de qui sera faite cette assurance de deux cent mille dollars ? Quel sera le bénéficiaire du contrat ?

— Il y aura deux bénéficiaires, répondit Kin-Fo.

— À parts égales ?

— Non, à parts inégales. L’un pour cinquante mille dollars, l’autre pour cent cinquante mille.

— Nous disons pour cinquante mille, monsieur…

— Wang.

— Le philosophe Wang ?

— Lui-même.

— Et pour les cent cinquante mille ?

— Mme Lé-ou, de Péking.

— De Péking », ajouta William J. Bidulph, en finissant d’inscrire les noms des ayants droit. Puis il reprit : « Quel est l’âge de madame Lé-ou ?

— Vingt et un ans, répondit Kin-Fo.

— Oh ! fit l’agent, voilà une jeune dame qui sera bien vieille, quand elle touchera le montant du capital assuré !

— Pourquoi, s’il vous plaît ?

— Parce que vous vivrez plus de cent ans, mon cher monsieur. Quant au philosophe Wang ?…

— Cinquante-cinq ans !

— Eh bien, cet aimable homme est sûr, lui, de ne jamais rien toucher !

— On le verra bien, monsieur !

— Monsieur, répondit William J. Bidulph, si j’étais à cinquante-cinq ans l’héritier d’un homme de trente et un, qui doit mourir centenaire, je n’aurais pas la simplicité de compter sur son héritage.

— Votre serviteur, monsieur, dit Kin-Fo, en se dirigeant vers la porte du cabinet.