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on réserve une surprise à kin-fo et au lecteur.

a droit de revêtir — par honneur pour cette institution du mariage que les anciens législateurs tenaient en grande estime, — Lé-ou s’était conformée aux règlements de la haute société. Avec sa toilette, toute rouge, faite d’une admirable étoffe de soie brodée, elle resplendissait. Sa figure se dérobait, pour ainsi dire, sous un voile de perles fines, qui semblaient s’égoutter du riche diadème dont le cercle d’or bordait son front. Des pierreries et des fleurs artificielles du meilleur goût constellaient sa chevelure et ses longues nattes noires. Kin-Fo ne pouvait manquer de la trouver plus charmante encore, lorsqu’elle descendrait du palanquin que sa main allait bientôt ouvrir.

Le cortège se mit en route. Il tourna le carrefour pour prendre la Grande-Avenue et suivre le boulevard de Tiène-Men. Sans doute, il eût été plus magnifique, s’il se fût agi d’un enterrement au lieu d’une noce, mais, en somme, cela méritait que les passants s’arrêtassent pour le voir passer.

Des amies, des compagnes de Lé-ou suivaient le palanquin, portant en grande pompe les différentes pièces du trousseau. Une vingtaine de musiciens marchaient en avant avec grand fracas d’instruments de cuivre, entre lesquels éclatait le gong sonore. Autour du palanquin s’agitait une foule de porteurs de torches et de lanternes aux mille couleurs. La future restait toujours cachée aux yeux de la foule. Les premiers regards auxquels la réservait l’étiquette devaient être ceux de son époux.

Ce fut dans ces conditions, et au milieu d’un bruyant concours de populaire, que le cortège arriva, vers huit heures du soir, à l’hôtel du « Bonheur Céleste ».

Kin-Fo se tenait devant l’entrée richement décorée. Il attendait l’arrivée du palanquin pour en ouvrir la porte. Cela fait, il aiderait sa future à descendre, et il la conduirait dans l’appartement réservé, où tous deux salueraient quatre fois le ciel. Puis, tous deux se rendraient au repas nuptial. La future ferait quatre génuflexions devant son mari. Celui-ci, à son tour, en ferait deux devant elle. Ils répandraient deux ou trois gouttes de vin sous forme de libations. Ils offriraient quelques aliments aux esprits intermédiaires. Alors, on leur apporterait deux coupes pleines. Ils les videraient à demi, et, mélangeant ce qui resterait dans une seule coupe, ils y boiraient l’un après l’autre. L’union serait consacrée.


Le palanquin était arrivé. Kin-Fo s’avança. Un maître de cérémonies lui remit la clef. Il la prit, ouvrit la porte, et tendit la main à la jolie Lé-ou, tout émue. La future descendit légèrement et traversa le groupe des invités,