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XV

seul!

Dick, attentif à ne pas devancer le moment fixé, ouvrit, au premier rayon du soleil, le pli que lui avait donné le Kaw-djer. Il lut :

« Mon fils,

« Je suis las de vivre et j’aspire au repos. Quand tu liras ces mots, j’aurai quitté la colonie sans esprit de retour. Je remets son sort entre tes mains. Tu es bien jeune encore pour assumer cette tâche, mais je sais que tu ne lui seras pas inférieur.

« Exécute loyalement le traité signé par moi avec le Chili, mais exige rigoureusement la réciproque. Quand les gisements aurifères seront épuisés, nul doute que le gouvernement chilien ne renonce de lui-même à une suzeraineté purement nominale.

« Ce traité coûte temporairement aux Hosteliens l’île Horn qui devient ma propriété personnelle. Elle leur retournera après moi. C’est là que je me retire. C’est là que j’entends vivre et mourir.

« Si le Chili manquait à ses engagements, tu te souviendrais du lieu de ma retraite. Hors ce cas, je veux que tu m’effaces de ta mémoire. Ce n’est pas une prière. C’est un ordre, le dernier.

« Adieu. N’aie qu’un seul objectif : la Justice ; qu’une seule haine : l’Esclavage ; qu’un seul amour : la Liberté. »

À l’heure où Dick, bouleversé, lisait ce testament de l’homme à qui il devait tant, celui-ci, le front appesanti par de lourdes pensées, continuait à fuir, point imperceptible, sur la vaste plaine de la mer. Rien n’était changé à bord de la Wel-Kiej, dont il tenait toujours la barre d’une main ferme.