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présence de son adversaire. Avec calme et méthode, il étudiait le problème qui lui était posé.

Le mobile du Chili, d’abord. Ce mobile, il n’était pas difficile de le deviner. Le Chili invoquait en vain la nécessité de mettre fin aux troubles. Ce n’était là qu’un prétexte. Une protection qu’on impose ressemble trop à une annexion pour qu’il fût possible de s’y tromper. Mais pourquoi le Chili manquait-il ainsi à la parole donnée ? Par intérêt évidemment, mais quelle sorte d’intérêt ? La prospérité de l’île Hoste ne suffisait pas à expliquer ce revirement. Jamais, malgré les progrès réalisés par les Hosteliens, rien n’avait autorisé à croire que la République Chilienne regrettât l’abandon de cette contrée jadis sans la moindre valeur. Au reste, le Chili n’avait pas eu à se plaindre de son geste généreux. Il avait bénéficié du développement de ce peuple dont il était par la force des choses le fournisseur principal. Mais un facteur nouveau était intervenu. La découverte des mines d’or changeait du tout au tout la situation. Maintenant qu’il était démontré que l’île Hoste recelait dans ses flancs un trésor, le Chili entendait en avoir sa part et déplorait son imprévoyance passée. C’était limpide.

La question importante n’était pas, d’ailleurs, de déterminer la cause du revirement, quelle qu’elle fût. L’ultimatum étant nettement posé, l’important était d’arrêter la manière dont il convenait d’y répondre.

Résister ?… Pourquoi pas ? Les cent cinquante soldats alignés sur la place n’étaient pas de taille à effrayer le Kaw-djer, et pas davantage le bâtiment de guerre embossé devant le Bourg-Neuf. Alors même que ce navire eût contenu d’autres soldats, ceux-ci n’étaient évidemment pas en nombre tel que la victoire ne pût tourner finalement en faveur de la milice hostelienne. Quant au navire lui-même, il était assurément capable d’envoyer jusqu’à Libéria quelques obus qui feraient plus de bruit que de mal. Mais après ?… Les munitions finiraient par s’épuiser, et il lui faudrait alors appareiller, en admettant que les trois canons hosteliens n’aient réussi à lui causer aucune avarie sérieuse.

Non, en vérité, résister n’eût pas été présomptueux. Mais résister, c’était des batailles, c’était du sang. Allait-il donc en faire couler encore sur cette terre, hélas ! saturée ? Pour défendre quoi ? L’indépendance des Hosteliens ? Les Hosteliens