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fût-ce à l’îlot du cap Horn, échapperait-il à l’autorité chilienne ?…

On était alors au début de mars. La belle saison devait durer près d’un mois encore, la saison que le Kaw-djer employait à visiter les campements fuégiens, avant que l’hiver eût rendu la mer impraticable. Cependant, il ne s’apprêtait pas à s’embarquer sur la chaloupe. La Wel-Kiej, dégréée, restait au fond de la crique.

Ce fut seulement le 7 mars, dans l’après-midi, que le Kaw-djer dit à Karroly :

« Tu pareras la chaloupe pour demain dès la première heure.

— Un voyage de plusieurs jours ? demanda l’Indien.

— Oui. »

Le Kaw-djer se décidait-il à retourner au milieu des tribus fuégiennes ? Allait-il remettre les pieds sur cette Terre de Feu devenue argentine et chilienne ?…

« Halg doit-il nous accompagner ? interrogea Karroly.

— Oui.

— Et le chien ?

— Zol aussi. »

La Wel-Kiej appareilla dès l’aube. Le vent soufflait de l’Est. Un assez fort ressac battait les roches au pied du morne. Dans la direction du Nord, au large, la mer se soulevait en longues houles.

Si l’intention du Kaw-djer eût été de rallier la Terre de Feu, la chaloupe aurait dû lutter, car la brise augmentait à mesure que le soleil s’élevait. Mais il n’en fut rien. Sur son ordre, après avoir contourné l’Île Neuve, on se dirigea vers l’île Navarin dont le double sommet s’estompait vaguement dans les brumes matinales de l’Ouest.

Ce fut à la pointe sud de cette île, l’une des moyennes de l’archipel magellanique, que la Wel-Kiej vint relâcher avant le coucher du soleil, au fond d’une petite anse à rive très accore, où la tranquillité devait lui être assurée pour la nuit.

Le lendemain, la chaloupe, coupant obliquement la baie de Nassau, mit le cap sur l’île Wollaston, près de laquelle elle mouilla le soir même.

Le temps devenait mauvais. Le vent fraîchissait en hâlant le Nord-Est. D’épais nuages s’accumulaient à l’horizon. La tempête n’était pas loin. La chaloupe devant, pour se conformer