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La loi promulguée, il restait à l’appliquer.

Dès le début, elle se heurta à de grandes difficultés. Indifférents aux dispositions qu’elle contenait en leur faveur, les colons ne furent sensibles qu’aux obligations qu’elle leur imposait. Quel besoin d’obtenir et de payer une concession, alors qu’on n’avait qu’à la prendre ? Creuser la terre, laver les boues des rivières, n’est-ce pas le droit de tout homme ? Pourquoi serait-on contraint, pour exercer librement ce droit naturel, de verser une fraction quelconque du produit de son travail à ceux qui n’y avaient aucunement participé ? Ces idées, le Kaw-djer les partageait au fond du cœur. Mais celui qui a assumé la mission redoutable de gouverner ses semblables doit savoir oublier ses préférences personnelles et sacrifier, quand il le faut, les principes dont il se croit le plus sûr aux nécessités de l’heure.

Or, cela sautait aux yeux, il était de première importance qu’un encouragement fût donné aux colons les plus sages qui auraient l’énergie de résister à la contagion et de rester appliqués à leur travail habituel, et le meilleur encouragement était qu’ils fussent assurés d’avoir leur part, réduite assurément, mais certaine, tout en demeurant chez eux.

La loi n’étant pas obéie de bonne grâce, on dut employer la contrainte.

Le Kaw-djer ne disposait, à Libéria, que d’une cinquantaine d’hommes formant le corps de la police permanente, mais neuf cent cinquante autres Hosteliens figuraient sur une liste d’appel, dont les plus anciens étaient éliminés à tour de rôle, à mesure que des jeunes gens arrivés à l’âge d’homme venaient s’y ajouter. Ainsi mille hommes armés pouvaient toujours être rapidement réunis. Une convocation générale fut lancée.

Sept cent cinquante Hosteliens seulement y répondirent. Les deux cents réfractaires étaient partis eux aussi pour les mines, et battaient la campagne aux environs du Golden Creek.

Le Kaw-djer divisa en deux groupes les forces dont il disposait. Cinq cents hommes furent répartis le long des côtes, avec mission de s’opposer au départ clandestin de l’or. Il se mit à la tête des trois cents autres, qu’il fractionna en vingt escouades sous les ordres de ceux dont il était le plus sûr, et se rendit avec eux dans la région des placers.

La petite armée répressive fut disposée en travers de la