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qui, intrigué par l’aspect particulier de ce fragment de roche, le ramassa et l’examina.

C’était un petit morceau de quartz, strié de veines caractéristiques, dans lesquelles il lui fut facile de discerner des parcelles d’or.

Edward Rhodes fut très ému de sa découverte.

De l’or !… Il y avait de l’or dans le sol de l’île Hoste ! Rien que cet éclat de roche en témoignait.

Y a-t-il lieu, d’ailleurs, de s’en étonner ? N’a-t-on pas trouvé des filons du précieux métal autour de Punta-Arenas comme à la Terre de Feu, en Patagonie comme en Magellanie ? N’est-ce pas une chaîne d’or, cette gigantesque épine dorsale des deux Amériques qui, sous le nom de Montagnes Rocheuses et de Cordillère des Andes, va de l’Alaska au cap Horn, et dont, en quatre siècles, on a extrait pour quarante-cinq milliards de francs ?

Edward Rhodes avait compris l’importance de sa découverte. Il aurait voulu la tenir secrète, n’en parler qu’à son père, qui eût mis le Kaw-djer au courant. Mais il n’était pas seul à la connaître. Ses compagnons de chasse avaient examiné le morceau de roche et avaient ramassé d’autres éclats qui tous renfermaient de l’or.

Il ne fallait donc pas compter sur le secret, et, le jour même, en effet, l’île entière savait qu’elle n’avait rien à envier aux Klondyke, aux Transvaal, ni aux El Dorado. Ce fut la traînée de poudre, dont la flamme courut en un instant de Libéria aux autres bourgades.

Toutefois, dans cette saison, il ne pouvait être question de tirer un parti quelconque de la découverte. Dans quelques jours, on serait à l’équinoxe d’automne, et ce n’est pas sous le parallèle de l’île Hoste qu’il est possible d’entreprendre des exploitations de plein air aux approches de l’hiver. La trouvaille d’Edward Rhodes n’eut donc et ne pouvait avoir aucune conséquence immédiate.

L’été s’acheva dans des conditions climatériques assez favorables. Cette année, la dixième depuis la fondation de la colonie, avait eu le bénéfice d’une récolte exceptionnelle. D’autre part, de nouvelles scieries s’étaient établies à l’intérieur de l’île, les unes mues par la vapeur, les autres employant l’électricité engendrée par les chutes des cours d’eau. Les pêcheries et les fabriques