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lant, Harry Rhodes, qui assistait à l’entrevue avec ses deux collègues du Conseil, aborda un autre sujet.

— Notre île Hoste, dit-il, comparée aux possessions argentines de la Terre de Feu, peut donner matière à intéressantes réflexions. Comme vous le voyez, monsieur, d’un côté la prospérité, de l’autre le dépérissement. Les colons argentins reculent devant les exigences du gouvernement de Buenos-Ayres, et, devant les formalités qu’il impose, les navires font de même. Malgré les réclamations de son gouverneur, la Terre de Feu ne fait aucun progrès.

— J’en conviens, répondit M. Aguire. Aussi le gouvernement chilien a-t-il agi tout autrement avec Punta-Arenas. Sans aller jusqu’à rendre une colonie complètement indépendante, il est possible de lui accorder bon nombre de privilèges qui assurent son avenir.

— Monsieur le Gouverneur, intervint le Kaw-djer, il est cependant une des petites îles de l’archipel, un simple rocher stérile, un îlot sans valeur, dont je demande au Chili de nous consentir l’abandon.

— Lequel ? interrogea M. Aguire.

— L’îlot du cap Horn.

— Que diable voulez-vous en faire ? s’écria M. Aguire étonné.

— Y établir un phare qui est de toute nécessité à cette dernière pointe du continent américain.

Éclairer ces parages serait d’un grand avantage pour les navires, non seulement ceux qui viennent à l’île Hoste, mais aussi ceux qui cherchent à doubler le cap entre l’Atlantique et le Pacifique.

Harry Rhodes, Hartlepool et Germain Rivière, qui étaient au courant des projets du Kaw-djer, appuyèrent sa remarque, en faisant valoir la réelle importance, que M. Aguire n’avait, d’ailleurs, nulle envie de contester.

— Ainsi, demanda-t-il, le gouvernement de l’île Hoste serait disposé à construire ce phare ?

— Oui, dit le Kaw-djer.

— À ses frais ?

— À ses frais, mais sous la condition formelle que le Chili lui concéderait l’entière propriété de l’île Horn. Voilà plus de six ans que j’ai fait cette proposition à votre Gouvernement, sans arriver à un résultat quelconque.