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parages magellaniques. Il va de soi que cette industrie avait dû être sévèrement réglementée par les arrêtés du Kaw-djer. En effet, il ne fallait pas provoquer à court délai, par une destruction abusive, la disparition, l’anéantissement des animaux marins qui fréquentent si volontiers ces mers. Sur le littoral, il s’était fondé, en divers points, des colonies de louvetiers, gens de toute origine, de toute espèce, des sans-patrie, qu’Hartlepool eut, au début, le plus grand mal à tenir en bride. Mais, peu à peu, les aventuriers s’humanisèrent, se civilisèrent sous l’influence de leur nouvelle vie. À ces vagabonds sans feu ni lieu, une existence sédentaire donna progressivement des mœurs plus douces. Ils étaient plus heureux, d’ailleurs, ayant moins de misère à souffrir en exerçant leur rude métier. Ils opéraient, en effet, dans de meilleures conditions qu’autrefois. Il ne s’agissait plus de ces expéditions entreprises à frais communs qui les amènent sur quelque île déserte où, trop souvent, ils périssent de froid et de faim. À présent, ils étaient assurés d’écouler les produits de leur pêche, sans avoir à attendre pendant de longs mois le retour d’un navire qui ne revient pas toujours. Par exemple, la manière d’abattre les inoffensifs amphibies n’avait pas été modifiée. Rien de plus simple : salir a dar una paliza, aller donner des coups de bâton, comme les louvetiers le disent eux-mêmes, telle était encore la méthode usitée, car il n’y a pas lieu d’employer d’autre arme contre ces pauvres animaux.

À ces pêcheries alimentées par l’abattage des loups marins, il y a lieu d’ajouter les campagnes des baleiniers, qui sont des plus lucratives en ces parages. Les canaux de l’archipel peuvent fournir annuellement un millier de baleines. Aussi, les bâtiments armés pour cette pêche, certains de trouver maintenant à Libéria les avantages que leur offrait Punta-Arenas, fréquentaient-ils assidûment, pendant la belle saison, les passes voisines de l’île Hoste.

Enfin, l’exploitation des grèves, que couvrent par milliards des coquillages de toute espèce, avait donné naissance à une autre branche de commerce. Parmi ces coquillages, une mention est due à ces myillones, mollusques de qualité excellente et d’une telle abondance qu’on ne saurait l’imaginer. Les navires en exportaient de pleins chargements, qu’ils vendaient jusqu’à cinq piastres le kilogramme dans les villes du Sud-Amérique.