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leur assurerait une vie plus sédentaire. Quel que soit le bien-être relatif dont on les entoure, quelque sécurité qu’on leur assure, rien ne peut les retenir, et ils ne tardent pas à s’enfuir pour reprendre leur éternel vagabondage, affamés, misérables, mais libres.

Au début de juin, l’hiver se jeta sur la Magellanie. Si le froid ne fut pas excessif, toute la région fut balayée à grands coups de rafales. De terribles tourmentes troublèrent ces parages, et l’Île Neuve disparut sous la masse des neiges.

Ainsi s’écoulèrent juin, juillet, août. Vers la mi-septembre la température s’adoucit sensiblement, et les caboteurs des Falkland recommencèrent à se montrer dans les passes.

Le 19 septembre, Karroly, laissant Halg et Kaw-djer à l’Île Neuve, partit à bord d’un steamer américain qui avait embouqué le canal du Beagle, un pavillon de pilote au mât de misaine. Son absence dura une huitaine de jours.

Lorsque la chaloupe eut ramené l’Indien, le Kaw-djer, selon son habitude, l’interrogea sur les divers incidents du voyage.

« Il n’y a rien eu, répondit Karroly. La mer était belle et la brise favorable.

— Où as-tu quitté le navire ?

— Au Darwin Sound, à la pointe de l’île Stewart, où nous avons croisé un aviso qui marchait à contre-bord.

— Où allait-il ?

— À la Terre de Feu. En revenant, je l’ai retrouvé mouillé dans une anse où il avait débarqué un détachement de soldats.

— Des soldats !… s’écria le Kaw-djer. De quelle nationalité ?

— Des Chiliens et des Argentins.

— Que faisaient-ils ?

— D’après ce qu’ils m’ont dit, ils accompagnaient deux commissaires en reconnaissance sur la Terre de Feu et les îles voisines.

— D’où venaient ces commissaires ?

— De Punta-Arenas, où le gouverneur avait mis l’aviso à leur disposition. »

Le Kaw-djer ne posa pas d’autres questions. Il demeura pensif. Que signifiait la présence de ces commissaires ? À quelle opération se livraient-ils dans cette partie de la Magellanie ? S’agissait-il d’une exploration géographique ou hydrographique,