Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VII

l'invasion.

Ces bruits étaient justifiés, mais la rumeur publique exagérait. Comme d’usage, la vérité s’amplifiait en passant de bouche en bouche. La horde de Patagons, qui, au nombre de sept cents environ, avait débarqué, vingt-quatre heures plus tôt, sur le rivage nord de l’Île ne méritait nullement l’appellation d’armée.

Sous le nom de Patagons, on comprend, dans le langage courant, l’ensemble des peuplades, en réalité fort différentes les unes des autres au point de vue ethnologique, qui vivent dans les pampas de l’Amérique du Sud. De ces peuplades, les plus septentrionales, c’est-à-dire les plus voisines de la République Argentine, sont relativement pacifiques. Adonnées à l’agriculture, elles ont formé de nombreux villages, et leur pays n’est même pas dépourvu de villes d’une importance plus ou moins grande. Mais, à mesure qu’on descend vers le Sud, elles tendent à changer de caractère. Les plus australes sont à la fois moins sédentaires et infiniment plus redoutables. Vivant surtout du produit de leur chasse, les indigènes qui les composent, les Patagons proprement dits, sont en général d’habiles tireurs et d’incomparables cavaliers. Ils pratiquent encore l’esclavage, que de perpétuels pillages alimentent. Chez eux, les guerres de tribu à tribu sont incessantes, et ils n’épargnent guère les rares étrangers qui s’aventurent dans ces régions presque inexplorées. Ce sont des sauvages.

L’absence de tout gouvernement régulier, une complète anarchie entretenue jusque dans ces dernières années par la rivalité des États civilisés limitrophes, ont permis à cette sauvagerie et