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« Voilà Sand guéri, lui dit-il, alors qu’ils étaient seuls tous deux dans la campagne. Mais il restera infirme. Il ne faudra jamais oublier, mon garçon, que c’est pour sauver ta vie qu’il a perdu ses jambes.

Dick leva vers le Kaw-djer un regard déjà mouillé. Pourquoi le gouverneur lui parlait-il ainsi ? Ce qu’il devait à Sand, il n’y avait aucun danger qu’il l’oubliât jamais.

— Tu n’as qu’une bonne manière de le remercier, reprit le Kaw-djer, c’est de faire en sorte que son sacrifice serve à quelque chose, en rendant ta vie utile à toi-même et aux autres. Jusqu’ici, tu as vécu en enfant. Il faut te préparer à être un homme.

Les yeux de Dick brillèrent. Il comprenait ce langage.

— Que faut-il faire pour cela, gouverneur ? demanda-t-il.

— Travailler, répondit le Kaw-djer d’une voix grave. Si tu veux me promettre de travailler avec courage, c’est moi qui serai ton professeur. La science est un monde que nous parcourrons ensemble.

— Ah ! Gouverneur !… » fit Dick, incapable d’ajouter autre chose.

Les leçons commencèrent immédiatement. Chaque jour, le Kaw-djer consacrait une heure à son élève. Après quoi, Dick étudiait auprès de Sand. Tout de suite, il fit des progrès merveilleux qui frappaient d’étonnement son professeur. Les leçons achevaient la transformation que le sacrifice de Sand avait commencée. Il n’était plus question maintenant de jouer au restaurant, ni au lion, ni à aucun autre jeu de l’enfance. L’enfant était mort, engendrant un homme prématurément mûri par la douleur.

Le second événement remarquable fut le mariage de Halg et de Graziella Ceroni. Halg avait alors vingt-deux ans, et Graziella approchait de ses vingt ans.

Ce mariage n’était pas, de beaucoup, le premier célébré à l’île Hoste. Dès le début de son gouvernement, le Kaw-djer avait organisé l’état civil, et l’établissement de la propriété avait eu pour conséquence immédiate de donner aux jeunes gens en âge de le faire, le désir de fonder des familles. Mais celui de Halg avait une importance toute particulière aux yeux du Kaw-djer. C’était la conclusion de l’une de ses œuvres, de celle qui, pen-