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l’avoir aperçu, l’automne précédent, remontant à pied vers le Nord. Quant à dire ce qu’il était devenu, personne n’en fut capable.

Dans le dernier mois de 1884, un navire apporta les deux cents fusils commandés après le premier attentat de Dorick. L’État hostelien possédait désormais près de deux cent cinquante armes à feu, non compris celles qu’un petit nombre de colons pouvaient s’être procurées.

Un mois plus tard, au début de l’année 1885, l’île Hoste reçut la visite de plusieurs familles fuégiennes. Comme chaque année, ces pauvres Indiens venaient demander secours et conseils au Bienfaiteur, puisque telle était la signification du nom indigène que leur reconnaissance avait décerné au Kaw-djer. S’il les avait abandonnés, eux n’avaient pas oublié et n’oublieraient jamais celui qui leur avait donné tant de preuves de son dévouement et de sa bonté.

Toutefois, quel que fût l’amour que lui portaient les Fuégiens, le Kaw-djer n’avait jamais réussi jusqu’alors à décider un seul d’entre eux à se fixer à l’île Hoste. Ces peuplades sont trop indépendantes pour se plier à une règle quelconque. Pour elles, il n’est pas d’avantage matériel qui vaille la liberté. Or, avoir une demeure, c’est déjà être esclave. Seul est vraiment libre l’homme qui ne possède rien. C’est pourquoi, à la certitude du lendemain, ils préfèrent leurs courses vagabondes à la poursuite d’une nourriture rare et incertaine.

Pour la première fois, le Kaw-djer décida, cette année-là, trois familles de Pêcherais à planter leur tente et à faire l’essai d’une vie sédentaire. Ces trois familles, comptant parmi les plus intelligentes de celles qui erraient à travers l’archipel, se fixèrent sur la rive gauche de la rivière, entre Libéria et le Bourg-Neuf, et fondèrent un hameau, qui fut l’amorce des villages indigènes qui devaient s’établir par la suite.

Cet été vit encore s’accomplir deux événements remarquables à des titres divers.

L’un de ces événements est relatif à Dick.

Depuis le 15 juin précédent, les deux enfants pouvaient être considérés comme rétablis. Dick, en particulier était complètement guéri, et, s’il était encore un peu maigre, ce reste d’amaigrissement ne pouvait résister longtemps au formidable appétit dont il faisait preuve. Quant à Sand, son état général ne laissait