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— Si !… articula péniblement Dick. Avant, on passait… Ce soir… Dorick m’avait pris… Je me suis sauvé… Sand était derrière moi… Fred Moore allait nous attraper… Alors Sand… a fait tomber tout… et tout s’est écroulé… sur lui… pour me sauver !… »

Dick s’arrêta, et, se jetant aux pieds du Kaw-djer.

— Oh !… gouverneur… implora-t-il, Sand !…

Le Kaw-djer, vivement ému, s’efforça d’apaiser l’enfant.

— Calme-toi, mon garçon, dit-il avec bonté, calme-toi !… Nous tirerons ton ami de là, sois tranquille… Allons ! à l’œuvre, nous autres !… » commanda-t-il, en se tournant vers Hartlepool et ses hommes.

On se mit fiévreusement au travail. Un à un, les rochers furent arrachés et évacués en arrière. Les blocs fort heureusement n’étaient pas de grande taille, et ces bras robustes pouvaient les mouvoir.

Dick, obéissant aux instructions du Kaw-djer, s’était docilement retiré dans la première grotte, où Kennedy, surveillé par son gardien, reprenait conscience de lui-même. Là, il s’était assis sur une pierre, près de l’entrée, et, le regard fixe, sans faire un mouvement, il attendait que la promesse du gouverneur fût accomplie.

Pendant ce temps, à la lueur des torches, on travaillait avec acharnement dans la galerie. Dick n’avait pas menti. Il y avait des corps là-dessous. À peine les premiers rochers eurent-ils été enlevés qu’on aperçut un pied. Ce n’était pas un pied d’enfant, et il ne pouvait appartenir à Sand. C’était un pied d’homme et même d’un homme de grande taille.

On se hâta. Après le pied, une jambe, puis un torse, et enfin le corps d’un homme allongé sur le ventre apparurent. Mais lorsqu’on voulut tirer l’homme à la lumière, on rencontra une résistance. Sans doute, son bras, étendu en avant et s’enfonçant entre les pierres, était accroché à quelque chose. Il en était ainsi, en effet, et, quand le bras fut complètement dégagé, on vit que la main étreignait une cheville d’enfant.

La main détachée, l’homme fut retourné sur le dos. On reconnut Fred Moore. La tête en bouillie, la poitrine défoncée, il était mort.

Alors, on travailla plus fiévreusement encore. Ce pied, que tenait Fred Moore dans ses doigts crispés ne pouvait être que celui de Sand.