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il s’élança dans la galerie et en escalada la pente en toute hâte, tandis que, sur ses talons, s’époumonait le pauvre Sand.

La double évasion aurait facilement réussi, si le malheur n’avait voulu que Fred Moore, en cet instant précis, n’eût la fantaisie de venir jeter un coup d’œil sur son prisonnier. Dans la lumière incertaine qui arrivait de la première grotte, il crut voir remuer une forme vague. À tout hasard, il s’élança sur ses traces et découvrit ainsi la galerie ascendante dont il n’avait pas jusqu’alors soupçonné l’existence. Comprenant aussitôt qu’il était joué et que son prisonnier s’échappait, il poussa un furieux juron et se mit, lui troisième, à gravir la pente.

Si les enfants avaient une quinzaine de mètres d’avance, Fred Moore, d’un autre côté, possédait de longues jambes, et le passage étant relativement vaste, dans sa partie inférieure tout au moins, rien ne s’opposait à ce qu’il profitât de cet avantage. L’obscurité profonde qui l’entourait constituait, il est vrai, un sérieux obstacle à sa marche dans cette galerie inconnue, que Dick et Sand connaissaient si bien au contraire. Mais Fred Moore était en colère, et, quand on est en colère, on n’écoute pas les conseils de la prudence. Aussi courait-il à corps perdu dans les ténèbres, les mains étendues en avant, au risque de se briser la tête contre une saillie de la voûte.

Fred Moore ignorait qu’il y eût deux fugitifs devant lui. Il ne voyait absolument rien, et les enfants n’avaient garde de parler. Seul, le bruit des pierres qui roulaient sur la pente lui indiquait qu’il était en bonne voie, et, ce bruit devenant plus proche d’instant en instant, il en concluait qu’il gagnait du terrain.

Les enfants faisaient de leur mieux. Ils savaient qu’on était à leur poursuite et comprenaient parfaitement qu’on les rattrapait progressivement. Ils ne désespéraient pas cependant. Tous leurs efforts tendaient à atteindre cet étranglement de la galerie où le toit n’était supporté que par un rocher que le moindre choc eût fait basculer. Au-delà, la galerie était plus basse et plus étroite, et leur petite taille les servirait. Ils pourraient continuer à courir, tandis que leur ennemi serait dans l’obligation de se courber.

Cet étranglement, objet de leurs vœux, ils l’atteignirent enfin. Plié en deux, Dick le franchit heureusement le premier. Sand,