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faire ce singulier commerce. C’était miracle qu’il ne les eût pas encore aperçus.

Cependant, Dick eut en un clin d’œil vendu bouquets et corbeilles.

— Il ne reste plus qu’un panier, mesdames et messieurs, annonça-t-il. C’est le plus beau ! À deux cents, le dernier et le plus beau panier !

Une ménagère versa les deux cents.

— Merci bien, messieurs et dames ! Huit cents !… C’est la fortune !… » s’écria Dick en esquissant un pas de gigue.

La gigue fut arrêtée net. Le Kaw-djer avait saisi le danseur par l’oreille.

— Que veut dire ceci ? interrogea-t-il sévèrement.

D’un coup d’œil sournois, l’enfant s’efforça de deviner l’humeur réelle du Kaw-djer, puis, rassuré sans doute, il répondit avec le plus grand sérieux :

— Nous travaillons, gouverneur.

— C’est ça que tu appelles travailler ! s’écria le Kaw-djer qui lâcha son prisonnier.

Celui-ci en profita pour se retourner complètement, et, regardant le Kaw-djer bien en face :

— Nous nous sommes établis, dit-il en se rengorgeant. Sand joue du violon, et moi je suis marchand de fleurs et de vannerie… Quelquefois, nous faisons des commissions… ou nous vendons des coquillages… Je sais aussi la danse… et des tours… C’est des professions, ça, peut-être, gouverneur ! »

Le Kaw-djer sourit malgré lui.

— En effet !… reconnut-il. Mais qu’avez-vous besoin d’argent ?

— C’est pour votre subrécargue[1], pour M. John Rame, gouverneur.

— Comment !… s’écria le Kaw-djer, John Rame vous prend votre argent !…

— Il ne nous le prend pas, gouverneur, répliqua Dick, vu que c’est nous qui le donnons pour les rations. »

Cette fois, le Kaw-djer fut tout à fait abasourdi. Il répéta :

— Pour les rations ?… Vous payez votre nourriture !… N’habitez-vous donc plus avec M. Hartlepool ?

  1. Comptable qui existe parfois à bord des navires.