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vous apporte de l’occupation, c’est-à-dire de la distraction. Vous allez déménager, madame Rhodes.

— Déménager !…

— Oui… Pour aller vous fixer à Libéria.

— À Libéria !… Qu’irais-je y faire, Seigneur ?

— Du commerce, madame Rhodes. Vous serez tout simplement la plus notable commerçante du pays, d’abord — et c’est une raison ! — parce qu’il n’y en a pas d’autres, et aussi, je l’espère bien, parce que vos affaires vont étonnamment prospérer.

— Commerçante !… Mes affaires ?… répéta Mme  Rhodes étonnée. Quelles affaires, Kaw-djer ?

— Celles du bazar Harry Rhodes. Vous n’avez pas oublié, je suppose, que vous possédez une pacotille magnifique ? Le moment est venu de l’utiliser.

— Comment !… objecta Mme  Rhodes, vous voulez que toute seule… sans mon mari…

— Vos enfants vous aideront, interrompit le Kaw-djer. Ils sont en âge de travailler, et tout le monde travaille ici. Je ne veux pas d’oisifs sur l’île Hoste. »

La voix du Kaw-djer s’était faite plus sérieuse. Sous l’ami qui conseillait perçait le chef qui allait ordonner.

« Tullia Ceroni et sa fille, reprit-il, vous donneront aussi un coup de main, quand Halg sera complètement guéri… D’autre part, vous n’avez pas le droit de laisser plus longtemps inutilisés des objets susceptibles d’accroître le bien-être de tous.

— Mais ces objets représentent presque toute notre fortune, objecta Mme  Rhodes qui paraissait fort émue. Que dira mon mari, quand il apprendra que je les ai risqués dans un pays si troublé, où la sécurité…

— Est parfaite, madame Rhodes, termina le Kaw-djer, parfaite, vous pouvez m’en croire. Il n’y a pas de pays plus sûr.

— Mais enfin, que voulez-vous que j’en fasse, de toutes ces marchandises ? demanda Mme  Rhodes.

— Vous les vendrez.

— À qui ?

— Aux acheteurs.

— Il y en a donc, et ils ont donc de l’argent ?

— En doutez-vous ? Vous savez bien que tout le monde en avait au départ. Maintenant on en gagne.